Une communication au cœur des enjeux tunisiens

Nouri Lajmi, Président de la HAICA, en conférence de presse pour présenter le rapport des élections législatives et présidentielles de 2019, Tunis.Régulation | Régulation

Nouri Lajmi, Président de la HAICA, en conférence de presse pour présenter le rapport des élections législatives et présidentielles de 2019, Tunis.

La Tunisie est un pays où la démocratie se renforce et avance au pas de course. Depuis la révolution, l’existence d’instances de régulation indépendantes a été garantie dans la Constitution pour répondre à des enjeux démocratiques majeurs. Parmi eux, l’intégrité du processus électoral, le respect des droits humains, la lutte contre la corruption et le pluralisme des médias. L’enjeu premier pour ces jeunes instances est d’asseoir leur légitimité auprès du secteur qu’elles régulent, mais aussi auprès des citoyens et des citoyennes tunisiennes. La communication joue donc un rôle important, voire fondamental, car sans légitimité et reconnaissance publiques, une instance ne peut exercer ses missions et jouer son rôle. L’importance d’exister publiquement, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle tunisienne (HAICA) l’a très bien compris…

Les médias audiovisuels au premier plan

En octobre 2018 et pour 21 mois, le régulateur des médias tunisiens (HAICA), son homologue belge (CSA) et l’INA français s’engageaient dans une mission commune en concrétisant un projet de jumelage ambitieux. Un mariage de cœur, puisque la HAICA et le CSA collaborent depuis le début de la révolution tunisienne. L’objectif du jumelage : échanger des expériences entre des expert.e.s tunisien.ne.s et belges pour renforcer les missions de la HAICA. Cinq volets sont identifiés. Un volet prospectif, pour contribuer à la définition de la stratégie du régulateur tunisien. Un volet monitoring et régulation, pour déployer de nouvelles thématiques de régulation. Un volet archives audiovisuelles destiné à mettre en place un système d’archivage pérenne des ressources audiovisuelles du paysage médiatique tunisien. Un volet études et recherches, pour contribuer à la mise en place d’un service recherche à la HAICA. Enfin, un volet destiné à renforcer la communication de la HAICA. Sur ce dernier point, le régulateur des médias tunisiens n’a pas de quoi s’ennuyer…

Depuis sa création, la HAICA produit des recommandations, notamment sur le pluralisme, le traitement médiatique des attentats, l’égalité hommes-femmes, … Elle monitore des centaines d’heures de débats politiques pour veiller au respect des règles d’équité. Elle lutte contre les discours de haine et diverses formes de discriminations. Elle est avant tout le fruit d’un besoin exprimé par les citoyennes et les citoyens tunisiens d’évoluer à l’intérieur d’un paysage médiatique qui les représente et respecte leurs droits.

Ces dernières semaines, les Tunisiens et les Tunisiennes se sont rendu.e.s aux urnes à trois reprises. Un enjeu de taille pour l’Instance qui contrôle le processus électoral (l’ISIE), mais aussi pour la HAICA qui a monitoré des milliers d’heures de couverture médiatique électorale et produit des rapports pour chacune des élections. Malheureusement, de nombreuses pratiques restent problématiques et plus d’un million de dinards d’amendes ont été infligés aux médias audiovisuels… Dans ce contexte, la communication joue un rôle majeur, car pour garantir le processus démocratique enclenché en 2011, les instances comme la HAICA doivent faire comprendre à toutes et tous le chemin qu’il reste à parcourir. Si les décisions d’une autorité de régulation peuvent aboutir à une sanction, elles revêtent plus encore un objectif pédagogique. Elles donnent sens à des textes de loi parfois très abstraits et constituent finalement des lignes directrices pour le secteur, et c’est là qu’une communication de qualité prend tout son sens.  

Communiquer ensemble

À la HAICA, trois personnes s’activent au quotidien pour garantir la communication de l’instance. Leila, Marouen et Hamza. Ensemble, ils produisent des communiqués, préparent les conférences de presse, gèrent les sites web et réalisent des capsules de sensibilisation. Dans le cadre du jumelage, ils ont été rejoints par François, responsable du service communication du CSA belge, pour échanger leur expérience de travail. Pour lui, cette collaboration est une belle opportunité pour les deux instances. « C’est incroyablement riche d’échanger sur nos matières. Je me rends à Tunis environ une semaine par mois et j’ai très vite réalisé que, si nos objectifs sont similaires, les enjeux entre les deux pays sont très différents. En Belgique, la régulation des médias existe depuis longtemps et ne remue plus les foules. Ici, elle est en pleine effervescence et touche au cœur de la démocratie tunisienne. Nos deux instances veulent à tout prix être légitimes dans le cœur de leurs publics respectifs, mais à des niveaux d’intensité très différents. Je suis heureux de pouvoir échanger sur nos méthodes et aider à professionnaliser davantage le service communication de la HAICA, mais dans le même temps, je redécouvre surtout toute l’importance fondamentale de notre travail de communiquant et l’impact réel qu’il peut avoir sur le public et la démocratie ».

Depuis le début de la collaboration, de nombreux projets se sont mis en place. Parmi eux, la création d’un studio de production audiovisuelle pour aider l’équipe communication de la HAICA à produire des capsules vidéo, mais aussi des formations autour de l’utilisation de logiciels de production, le soutien à la finalisation d’un plan stratégique de communication et la création d’un site magazine pour mieux communiquer vers les publics. Pour Leila, « cette coopération a offert des chances d’échange d’expertises. C’est une expérience très riche. La différence au niveau du cadre politique, social et culturel entre nos deux pays ne peut être qu’une valeur ajoutée pour les deux parties. La HAICA, une jeune institution, travaille, depuis sa création en mai 2013 dans un contexte difficile et complexe. Elle est ouverte aux expériences des autres et cherche constamment à découvrir d’autres pratiques. Nous voulons renforcer notre approche de régulation dans une démocratie émergente. Pour nous, l’expérience du CSA belge dans le domaine communicationnel représente un bon exemple dont on peut profiter afin de développer nos outils, moyens et techniques de communication, tant au niveau interne qu’au niveau externe ».

Dans quelques mois, en juin 2020, la mission de collaboration touchera à sa fin. Pour l’ensemble des volets du jumelage, c’est plus de 300 jours d’expertise qui auront été mis en place, sans compter le travail de coordination effectué au quotidien par un Conseiller Résident de Jumelage mis à disposition par le CSA grâce au soutien de l’Union européenne. Autant de jours qui laisseront les expert.e.s tunisien.ne.s, belges et français.e.s avec des idées plein la tête, au bénéfice de leur institution et, qui sait, d’un « Jumelage numéro 2 » ? 

Les équipes du jumelage sur le volet « Communication »

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