Par Karim Ibourki, Président du CSA
La régulation des médias est un droit démocratique qui bénéficie aux citoyens et aux citoyennes sur des sujets fondamentaux. Pour n’en citer que quelques-uns : le respect du pluralisme par les médias en période électorale, le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité humaine, l’accessibilité des programmes aux personnes à déficience sensorielle, l’encadrement de la communication commerciale…
La régulation doit aussi évoluer notamment en fonction des nouvelles technologies et du numérique qui redéfinissent constamment la grammaire de l’audiovisuel et de la manière dont nous consommons les médias. Une évolution constante que nous rappelle Fabien Bourgie, Directeur de la fédération des télévisions locales, interrogé dans ce dossier.
La question des fake news, surtout en période électorale est devenue un sujet de préoccupation majeur dont les conséquences ne sont plus à prouver. Depuis peu, la Commission européenne a confié aux régulateurs audiovisuels, réunis au sein de l’ERGA, l’association européenne qui les regroupe, le soin de travailler de manière approfondie sur la media literacy, l’éducation aux médias, en tant qu’antidote aux fake news notamment.
Il sera donc intéressant pour le CSA, qui assure cette année la Vice-Présidence de l’ERGA, de recueillir les avis du secteur audiovisuel et d’alimenter ainsi la réflexion et l’action politique en la matière chez nous et à l’échelle européenne.
À côté des fake news, le numérique rebat les cartes de l’ensemble du paysage audiovisuel. Il n’y a plus de frontières et les acteurs audiovisuel locaux doivent subir la mainmise des géants comme YouTube et Facebook. Pour Véronica Rocha, qui représente les web tv’s de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les petits acteurs peinent à exister sur la toile et le fait que chaque individu puisse faire son propre média a fait chuter la qualité des contenus que l’on trouve sur le web.
On doit faire face aujourd’hui à une disruption forte du modèle économique des médias, précise encore Jean-Paul Philippot, Administrateur général de la RTBF. Comment renforcer la qualité dans le monde audiovisuel et lui permettre de s’adapter aux nouveaux modèles économiques ? Deux enjeux essentiels dont il convient de débattre ensemble, car pour y répondre, il n’y a pas de « compétitions » entre les acteurs du secteur audiovisuel belge, mais bien un engagement commun.
Le secteur audiovisuel élargi doit se concerter et il doit aussi s’ouvrir pour que la voix des usagers et des associations puisse être entendue. C’est l’une des missions du tout nouveau Collège d’avis du CSA. Ce Collège vient d’être renouvelé et se recentre davantage sur le secteur, tout en intégrant de nouveaux acteurs qui auront un rôle important pour apporter une réponse pertinente aux évolutions du paysage médiatique. Parmi eux, les web tv’s, les producteurs audiovisuels, mais aussi l’organe en charge de la déontologie journalistique et enfin l’éducation aux médias. Les associations seront également mobilisées en fonction de thématiques spécifiques. Sa compétence de corégulation permettra de débattre et d’approuver des règlements qui s’imposeront ensuite au secteur, mais aussi de remettre des avis au Gouvernement sur les matières qui touchent au paysage audiovisuel.
Sous son ancienne forme, le Collège d’avis aura déjà anticipé certaines évolutions attendues par la société. Rappelons que le règlement « élections », qui s’est appliqué durant les communales d’octobre 2018 et qui sera le cadre de référence lors des élections du 26 mai prochain, s’étend désormais les réseaux sociaux et intègre le principe d’équilibre entre les femmes et les hommes dans la couverture médiatique des élections. Une avancée importante pour laquelle Le CSA a un rôle à jouer, même si dans un monde idéal, on n’a pas besoin de règlement qui impose cet équilibre, nous rappelle Isabelle Kempeneers, Vice-Présidente du CSA.
Et comment ne pas parler de la directive sur les services de médias audiovisuels qui a représenté un énorme chantier pour les régulateurs des médias. Ce nouveau cadre européen apporte une première réponse aux évolutions du secteur. Netflix et consorts pourront contribuer à la production locale, ils devront valoriser la production européenne. Pour les plateformes de partage vidéo comme Facebook, la lutte contre les discours de haine et la protection des mineurs est devenu une obligation. De quoi se féliciter. Oui, mais… La directive SMA doit maintenant être transposée dans notre droit national. On en est donc à mi-chemin du processus. Cette transposition sera le premier « gros » chantier du Collège d’avis. Une première tâche de corégulation à grande échelle que nous sommes impatient.e.s de débuter.
Dans ce dossier sur regulation.be, on laisse la parole à certains membres du Collège d’avis. Articles, entretiens, capsules vidéo et infographies, on fait le point sur l’importance de la corégulation dans le secteur des médias.
Bonne lecture,
Karim Ibourki, Président du CSA