Le nouveau collège d’avis du CSA : l’occasion d’aborder des sujets d’avenir pour le secteur !

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Entretien : Jean-Paul Philippot, Administrateur général de la RTBF

La corégulation du secteur des médias s’organise en Belgique francophone. La nouvelle mouture du Collège d’avis du CSA vient de se mettre en place. Une structure qui réunit le secteur, depuis les éditeurs radio et tv, jusqu’aux représentants de la production audiovisuelle, en passant par l’éducation aux médias. Le Collège d’avis a pour mission de remettre des avis au Gouvernement et il définit et adopte pour l’ensemble du secteur certains règlements.

De nombreux dossiers seront mis sur la table, avec un premier de taille : la transposition de la directive SMA en Fédération Wallonie-Bruxelles. Une transposition qui impactera nécessairement le secteur. On a discuté avec Jean-Paul Philippot, l’Administrateur général de la RTBF, qui connaît bien le Collège d’avis. Il a largement contribué aux discussions du précédent Collège autour du règlement élections des médias, du nouveau règlement accessibilité ou encore de l’avis du Collège remis au Gouvernement autour de la révision du décret SMA…

La nouvelle mouture du Collège d’avis du CSA vient d’être mise sur pied. En tant que représentant d’un acteur public majeur du paysage audiovisuel, quelles sont vos attentes concernant ce nouvel organe de corégulation qui réunit tant le secteur public que privé ?

Je me réjouis que cette nouvelle mouture ait pu voir le jour. Premièrement parce que l’ancien Collège d’avis était devenu obsolète. Il était temps de le moderniser et de mettre fin aux incongruités du passé. Je pense ensuite que, dans un contexte où l’écosystème des médias est fragile et en profonde mutation, réunir tout le secteur dans une dynamique de corégulation est bénéfique pour chacun. On l’a expérimenté dans le cadre du règlement accessibilité. Une démarche constructive de corégulation peut déboucher sur l’évolution de positions, comme celle de la RTBF.

Le fait que ce nouveau collège soit aussi élargi à d’autres acteurs du secteur, comme celui de la création audiovisuelle, va offrir aussi un espace de réflexion intéressant pour aborder des sujets plus larges qui ne sont pas nécessairement débattus ailleurs. En tant qu’instance indépendante, le CSA est sans doute le bon endroit pour avoir ces discussions.

Ce nouveau Collège est donc une bonne nouvelle pour tout le monde à vous entendre ?

J’ai malgré tout deux réflexions à soulever. Premièrement, il y a une ambivalence concernant la présence du groupe RTL au Collège d’avis, qui pourrait être de nature à troubler le débat. C’est l’acteur privé le plus important, mais les questions qui relèvent des compétences du CSA à son égard restent à clarifier.  Il ne faut pas avoir peur d’aborder des sujets difficiles au sein du Collège d’avis, dont la fiction dans laquelle RTL s’est placée sur le plan de la télévision. D’autant que la directive SMA sera transposée dans un projet de décret qui sera soumis au Collège d’avis. On aura donc la légitimité de s’emparer de cette question.

Autre réflexion, c’est l’absence des principaux acteurs du paysage médiatique digital au sein du Collège d’avis. Autant les acteurs du « linéaire » sont bien représentés, autant il manque ces acteurs, même si je constate que ce n’est pas simple de les réunir.  

Quels sont les dossiers qui concernent l’avenir du secteur audiovisuel (public comme privé) et qui devraient être mis rapidement sur la table ?

La transposition de la directive SMA en Fédération Wallonie-Bruxelles est évidemment un thème prioritaire. Une bonne partie du débat autour de cette directive a concerné le « level playing field », à savoir la manière de définir un cadre équitable pour les acteurs audiovisuels quel que soit leur provenance. Sur ce point, la question de la contribution de tous les éditeurs de contenus au financement de la production locale est centrale.

D’autres sujets importants pour le secteur pourraient être traités par le Collège d’avis. On doit faire face aujourd’hui à une disruption forte du modèle économique des médias et il faut qu’on puisse en parler. Le décret SMA devra aussi évoluer. Je pense notamment aux questions d’accessibilité sur les nouvelles interfaces des éditeurs, mais aussi à l’intégrité du signal des éditeurs linéaires sur les plateformes non-linéaires. Je pense aussi à la place des agrégateurs de contenus ou encore aux nouvelles formes de communication commerciale…

Pour tous ces sujets importants, le fait d’avoir le secteur, public comme privé, autour de la table, offrira une transparence au débat.

Le Collège d’avis a aussi pour mission de rédiger des règlements à destination du secteur, notamment en matière d’accessibilité des programmes et d’élections. Le nouveau règlement élections a été appliqué pour la première fois en mai 2018, lors des élections communales. Avec quelques mois de recul, en êtes-vous satisfait ? Etes-vous confiant pour la couverture des élections du 26 mai ?

Sur le règlement électoral, nous avons une longue tradition à la RTBF, qui a déjà fait l’objet de nombreux recours dans le passé, et je peux dire aujourd’hui que nous avons une base juridique solide. L’intérêt de ce règlement est peut-être moindre pour la RTBF que pour d’autres acteurs.  Je pense aussi qu’il faudra clarifier les rôles entre le CDJ et le CSA. Au niveau de l’entreprise RTBF, c’est la rédaction qui a le lead dans la couverture électorale.

 Il y a aussi une question d’applicabilité de certaines nouveautés du règlement. Je pense notamment à la nouvelle obligation d’équilibre entre les femmes et les hommes durant la campagne électorale.  Quels que soient les demandes des éditeurs, ce sont encore les partis politiques, qui, in fine, choisissent qui sera invité.e sur les plateaux de débats. On ne peut rien leur imposer, juste attirer leur attention sur le fait que les personnalités qu’ils envoient sur un plateau ne permettra pas à la chaîne de respecter le principe d’équilibre femme-homme. En tant qu’éditeur, on se retrouve donc dans un choix « binaire » du oui ou du non, parce que cette réalité ne dépend pas que de nous, mais fait intervenir des tiers. J’ai juste une certitude, c’est qu’il n’y aura pas la parité femme/homme lors du débat des présidents de partis lors de la campagne électorale des élections du 26 mai prochain.

Enfin, je pense à un sujet sensible et qui nous dépasse, c’est la liste des partis non-démocratiques. Pour certains partis il y a des consensus, pour d’autres pas. Dans l’évaluation des avis que le CSA a formulés à l’issue de la campagne électorale des élections communales 2018, le CSA renvoi la responsabilité aux éditeurs. Convenons que le point d’interrogation persiste et qu’il pourrait être utile que le CSA mène une analyse de fond sur les partis liberticides auxquels l’on devrait appliquer le cordon sanitaire médiatique…

CET ARTICLE S’INSCRIT DANS LE CADRE DE LA MISE EN PLACE DU NOUVEAU COLLÈGE D’AVIS DU CSA, L’ORGANE DE CORÉGULATION DU SECTEUR AUDIOVISUEL. POUR EN SAVOIR PLUS, CONSULTEZ NOTRE RUBRIQUE DÉDIÉE


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