Par Vincent Chapoulaud, avocat associé, spécialiste des questions de régulation
Le pluralisme des médias, tel qu’actuellement appréhendé par l’article 7 du décret SMA, est une notion centrale de la régulation, en ce qu’elle vise à garantir la pluralité des acteurs (pluralisme structurel) et, avec elle, la pluralité des expressions d’opinions ou d’idées (pluralisme des contenus).
Cette notion s’appuie sur de solides fondements juridiques (Recommandation du 19 janvier 1999 du Comité des Ministres R(99) 1 relative aux mesures visant à promouvoir le pluralisme dans les médias, recommandation du 31 janvier 2007 du Comité des Ministres R (2007) 2 sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias).
Elle est consacrée par l’article 11, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que par les directives notamment 2010/13/UE et 2002/21/CE.
Elle est regardée par la Cour européenne des droits de l’homme comme l’un des ciments de nos sociétés démocratiques (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, § 49). La Cour a, en effet, fréquemment insisté sur le rôle fondamental de la liberté d’expression dans une société démocratique, notamment quand, à travers la presse écrite, elle sert à communiquer des informations et des idées d’intérêt général, auxquelles le public peut d’ailleurs prétendre (CEDH, 26 novembre 1991, Observer et Guardian c. Royaume-Uni, § 59). Elle rappelle toutefois que « pareille entreprise ne saurait réussir si elle ne se fonde sur le pluralisme, dont l’Etat est l’ultime garant » (CEDH, 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, § 38). A l’occasion de l’affaire Lentia, la Cour voit une contradiction entre le respect du pluralisme et le maintien d’une situation monopolistique. Elle rejette les craintes exprimées par le Gouvernement autrichien quant à l’étroitesse du marché susceptible de favoriser les mouvements de concentration et la constitution de « monopoles privés » au regard de l’expérience de plusieurs Etats européens, de dimension comparable à celle de l’Autriche, permettant la coexistence de stations publiques et privées, organisées selon des modalités variables et assortie de mesures faisant échec à des positions monopolistiques privées.