Directive et décret SMA : on fait le point !

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Entretien avec Paul-Eric Mosseray, Directeur de la transition numérique au CSA.

 

L’année 2017 a été particulièrement riche en termes d’évolution de la législation sur le plan national et européen. Comment qualifierais-tu cette période (transition, décisive, préparation) ?

 

En 2017, c’est à la fois la directive SMA qui est remise sur le métier après 10 ans et plusieurs chapitres du décret SMA qui sont revisités. Tout cela doit aboutir maintenant à de nouvelles orientations en 2018 et pour la directive, à une transposition dans notre propre droit en 2019

 

La directive SMA vient de faire l’objet d’un accord. Peux-tu nous résumer l’importance et le rôle de cette directive ?

 

La directive SMA détermine le tronc commun et minimal de règles applicables dans tous les pays européens aux services audiovisuels. Chaque service établi dans un état membre européen où ces règles sont appliquées peut circuler sans entraves dans tous les autres. Un état reste libre cependant d’appliquer des règles plus strictes à ses propres services. Par exemple l’interdiction de coupure dans les programmes pour enfants.

La nouvelle directive adapte ces règles aux nouveaux modes de consommation des contenus audiovisuels, sur les plates-formes de partage vidéo et les réseaux sociaux. Et veut permettre à ces acteurs, anciens et nouveaux, de jouer à jeu égal. Concrètement, les services de vidéo à la demande seront désormais soumis à davantage de règles de protection des mineurs, de protection des consommateurs, de quotas d’œuvres européennes. Et les plates-formes de partages vidéo et les réseaux sociaux devront adopter diverses mesures de protection des mineurs, de lutte contre le discours de haine et d’information du consommateur.

 

Quel a été l’investissement du CSA tout au long de l’année 2017 dans le projet de révision de la directive ?

 

Comme autorité de régulation, c’est le CSA qui à terme devra appliquer ces règles. C’est la raison pour laquelle nous voulions investir dans la préparation de ce texte, et tirer la sonnette d’alarme quand c’était nécessaire.

Au plan européen nous avons activement contribué aux travaux de l’ERGA – la plateforme européenne des régulateurs créée en 2014 par la Commission – dont la tâche principale fut de conseiller la Commission sur cette réforme. Au plan belge, nous avons informé toutes les parties intervenantes – gouvernement, parlementaires belges et européens – de notre analyse avant et après l’adoption de la proposition par la Commission.

 

Quels ont été les points que nous avons défendus au niveau européen ?

 

Trois questions sont particulièrement importantes du point de vue du CSA.

D’abord, faire cesser le contournement par les opérateurs – anciens ou nouveaux – des règles des pays dont ils ciblent le public et le marché. Pour le CSA comme pour les régulateurs européens de l’ERGA, il est important que soient clarifiés les critères de rattachement des services à la compétence d’un EM, de manière à ce qu’il ne subsiste aucune ambiguïté. Tout comme il importe de rendre réellement opérationnel la procédure permettant à un Etat d’appliquer ses règles plus strictes à un service qui le cible et tente de les contourner.

Ensuite, étendre les objectifs de la régulation à toutes les formes de distribution de contenus comme les distributeurs de services et les plateformes de partage vidéos dont le rôle est en constante progression.

Enfin, généraliser les mécanismes garantissant la contribution de tous les intermédiaires de distribution à la création et à la production audiovisuelle, qu’ils soient linaires ou non linéaires, rattachés à notre compétence ou seulement ciblant notre territoire.

Sur ces trois points, l’accord survenu entre les institutions européennes  est très encourageant.

 

Le droit audiovisuel européen a fait couler beaucoup d’encre cette année. Mais s’ajoute aussi un projet de révision important à l’échelle belge. Il s’agit du décret SMA. Peux-tu nous expliquer pourquoi ce décret est en cours de modification ?

 

C’est un projet qui s’inscrit dans la perspective de la nouvelle attribution des autorisations aux radios FM – arrivées à échéance – et des capacités de diffusion à la radio numérique terrestre. Il va cependant bien au-delà, puisqu’il touche à d’autres questions importantes, comme le pluralisme des médias, la numérotation préférentielle des chaines dans l’offre des distributeurs ou encore la réforme du Collège d’avis du CSA

 

Le CSA a également joué un rôle clé dans ce projet de révision du décret. Plusieurs Collège d’avis ont été rassemblé, ce qui a représenté un travail important pour les services du CSA. Pourrais-tu nous expliquer ces CAV, leur historique ?

 

Le Collège d’avis a produit un travail considérable en deux temps : sur un projet de réforme de la régulation du pluralisme des médias, en mai 2017 ; puis sur le projet modificatif du décret dans son ensemble en mars 2018.

Les travaux du Collège sont particulièrement intéressants en ce qu’ils ont fait l’objet d’un nombre conséquent de séances de travail (une dizaine de demi-journées), fondées sur un travail préparatoire de l’ensemble des services du CSA, et qu’ils sont véritablement représentatifs de la position du secteur audiovisuel, qui y était largement représenté.

 

S’il fallait n’en retenir que  leurs conclusions, quelles sont-elles ?

 

En ce qui concerne le pluralisme des media, le Collège  – mis à part le Groupe RTL – est d’avis qu’en reculant  considérablement le seuil au départ duquel une évaluation serait engagée, le projet risque de favoriser une plus grande concentration des éditeurs en FWB au détriment du principe de pluralisme. Majoritairement, le secteur s’est opposé dans ces deux avis à la reforme proposée par le gouvernement, et singulièrement parce qu’elle renonce au principe fondamental de pluralisme structurel fondé sur l’indépendance et l’autonomie des médias ; elle introduit une nouvelle unité de mesure de l’audience inadaptée à l’objectif et elle ne répond pas aux problèmes de transparence et de complexité de mise en œuvre soulevés.

Du côté des quotas musicaux en radio, le secteur ne s’est majoritairement pas opposé à une révision de ces quotas d’œuvres de la FWB  à la hausse ni à une mesure favorisant leur diffusion aux meilleures heures d’écoute. Par contre, il a plaidé pour une harmonisation entre les radios privées et publiques, notamment avec la possibilité de quotas profilés en fonction des formats musicaux, comme c’est le cas à la RTBF.

La transition numérique (DAB+) de la radio préoccupe beaucoup le secteur radio. Le Collège reste d’avis que la transition numérique concerne tous les acteurs et que le développement des outils permettant d’assurer cette transition dans les meilleures conditions est un enjeu actuel fondamental. Il plaide pour une approche combinant un soutien aux projets pionniers des acteurs majeurs du marché et un soutien préférentiel aux catégories de radios qui en ont le plus besoin.

Quant à la réforme du Collège d’avis, la composition proposée ne fait pas l’unanimité.   Si la diminution du nombre de membres devrait permettre d’atteindre plus facilement un consensus, une partie des membres du Collège a regretté le rôle limité laissé aux autres métiers de l’audiovisuel.

 

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