Full TV, le média qui tire le bon portrait de Charleroi

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Le dernier poisson d’avril du JT de la RTBF ne nous fera pas dire le contraire, l’image de la région de Charleroi lui colle à la peau autant qu’à la plume des journalistes. Charleroi est perçue comme étant une ville où tout dysfonctionne, où tout est encore à construire et reconstruire. On parle de Charleroi quand un projet est en échec et les infos positives sont relayées timidement, sans forcing médiatique. En 2008, De Volkskrant, journal néerlandais, titrait « Charleroi, pire ville du monde », rien que ça… C’est sans doute le point de départ d’une initiative qui aujourd’hui, s’est imposée, autant à Charleroi, qu’à l’extérieur. Ce projet, c’est Full TV, une web tv qui démarre d’un ras-le-bol exprimé par 4 copains en approche de la trentaine. À l’époque, ils observent le foisonnement des projets qui germent en ville sans jamais être connus du grand public. Aucun d’eux ne maitrise l’art de la vidéo ou du montage, mais pour changer l’image de Charleroi, un texte ne suffit pas. À commencer par les carolos eux-mêmes, la ville doit être « vue » autrement. Les 4 se mettent alors au travail et accouchent de Full TV. Depuis lors, le bébé a fait son chemin et est désormais reconnu au CSA comme WebTV de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Dans la vague des médias positifs  

 

« Nous ne sommes pas un média d’information parce que nous assumons pleinement le choix de ne montrer que le positif à Charleroi ». Le ton est donné par Thomas Parmentier, l’un des 4 fondateurs. « D’un autre côté, il y a 10 ans, les médias traditionnels faisaient aussi le choix de présenter Charleroi sous un angle négatif. On avait besoin d’un contre-poids assumé. Le cœur du projet Full TV, c’est ce choix éditorial de valoriser la ville, plutôt que de la dénigrer ».

 

Full TV s’inscrit donc dans la vague des médias « positifs », une tendance qui s’est notamment développée en Europe depuis un peu plus d’une décennie et qui prend souvent racine dans la crise, lorsque l’actualité devient trop pesante pour les citoyen.ne.s. Mais cette tendance se profile bien souvent en marge des médias traditionnels, trop généralistes, qui appliquent à la lettre le principe selon lequel une info, c’est d’abord une rupture sur l’ordre établi. Full TV était accusée à ses débuts de faire de l’info bisounours, « par les carolos eux-mêmes » précise Thomas Parmentier qui considère que le problème de l’image de Charleroi, c’était avant tout une question générationnelle. « Nous étions surpris de constater que les critiques les plus négatives du projet venaient des carolos eux-mêmes. On nous a tellement martelé avec des images négatives qu’on a fini par y croire. C’est au niveau de ma génération que les jeunes ont commencé à se dire qu’il était temps de retrouver cette fierté éreintée par les médias. Il y a 10 ans, ce sentiment n’existait plus dans notre ville.

 

Crises, acharnement médiatique, désir de parler mieux ou de valoriser une ville, une communauté, un groupe, sont autant de raisons de mettre en place ces médias alternatifs qui se généralisent sur le web. En 2017, le CSA dressait le bilan du secteur des WebTV reconnues en Fédération Wallonie et soulignait la croissance rapide de ce secteur. Aujourd’hui 24 services sont reconnus, dont Full TV depuis le 29 mars 2018. Toutes se déploient dans des univers et thématiques variées et contribuent au pluralisme du paysage audiovisuel belge francophone. Ainsi, Bruxelles ma belle veut valoriser les artistes et les lieux bruxellois, Almouwatin TV veut rassembler les communautés religieuses dans un débat commun, Bel Afrika est quant à elle entièrement tournée vers la promotion de la culture et des initiatives citoyennes de la diaspora africaine. Full TV, c’est la promotion de l’image positive d’une ville. Il existe donc chez nous bon nombre d’initiatives en marge des médias traditionnels qui proposent autre chose, perçue comme de l’activisme pour certains, ou comme une autre manière de penser les médias pour d’autres.

 

Intégrer les jeunes et la culture du hip hop

 

Valoriser une ville, c’est aussi la mobiliser. Full TV a développé une approche au cœur-même de Charleroi. L’objectif : mobiliser les générations futures. « Nous avons débuté le projet en collaboration avec la Maison des associations. Ça nous a permis d’entrer en contact avec une série d’associations et d’initiatives locales. Nous avons poursuivi avec la maison des jeunes et naturellement, les projets de valorisation du hip hop se sont rapidement imposés. On s’est fait connaitre au départ dans le monde du hip hop. Beaucoup nous associaient à cet univers au point où depuis peu, nous collaborons même avec la RTBF et leur service Tarmac. Dans le monde du hip hop, nous avons acquis une certaine légitimité ».

 

Full TV, ce sont aussi des dizaines de jeunes qui ont appris à manier la caméra et qui font vivre les événements ou placent sous le projecteur les artistes et les initiatives locales. Le projet est aujourd’hui porté par trois maisons de jeunes et la Fédération des maisons de jeunes, de quoi produire le dynamisme nécessaire et le moins que l’on puisse écrire, c’est que les idées ne manquent pas…

 

Vers une professionnalisation du service

 

Pour Thomas Parmentier, le hip hop est une chose, mais Full TV n’avait pas vocation à se cantonner à une thématique, certes privilégiées par les jeunes. « On ne voulait pas rester bloqués dans un environnement en particulier. Notre image hip hop nous a d’ailleurs fermé certaines portes. On a donc décidé de segmenter nos services et de créer Urban Freestyle, une chaîne spécifique dédiée au hip hop ». Full TV s’est donc rapidement diversifiée.  « Au départ, nous allions couvrir des événements qui n’intéressaient pas nécessairement les télévisions locales. Mais petit à petit, on s’est retrouvé à couvrir les mêmes événements. Du coup, nous avons mené une réflexion de fond parce que nous ne nous considérons pas comme des concurrents aux télévisions locales ».

 

Full TV se lance rapidement dans la création de formats. Il ne s’agit plus de couvrir, mais de produire. Aujourd’hui, à côté de la chaîne Urban Freestyle, le service compte des rubriques telles que « Charleroi Makers », ou encore « Mon projet pour Charleroi » et « All eyes on C ».

 

La stratégie pour toucher les publics est celle du « content first ». Pour Thomas Parmentier, c’est moins la manière de toucher les publics que le contenu qu’on lui propose qui fera le buzz. « Nous sommes orienté 100% web. Il n’y a pas de secret, une vidéo qui fonctionne, c’est une vidéo qui est partagée par le public. On sait très bien que certaines vidéos ne feront pas le buzz, mais on s’en fout, pour nous c’est important de soutenir les projets carolo et de laisser une trace visible sur les initiatives de notre région ». Certains projets apportent néanmoins leur lot de visibilité à la plateforme. Récemment, Full TV a noué des partenariats avec Tarmac. Un coup de pouce financier, mais aussi une reconnaissance qui assure la visibilité de certains contenus Full TV, nous confie Thomas Parmentier.

 

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