L’évolution économique des radios que vous soulignez contraste-t-elle avec la réalité des plus petites structures qui n’ont pas accès à ces grandes régies ? Comment peuvent-elles survivre dans un environnement qui favorise les grandes radios ? Ne sommes-nous pas bien loin du modèle historique que vous défendez ? D’autant que les technologies futures, comme le DAB+, représentent des coûts importants qu’elles ne pourront pas nécessairement supporter.
C’est évident que la donne économique a changé. Il faut prendre conscience des limites du système des régies et éviter que leur entonnoir publicitaire ne soit réservé qu’à quelques gros acteurs. Mais il faut aussi prendre conscience que toutes les radios n’ont pas besoin des mêmes moyens pour pouvoir produire du contenu et assurer cette diversité dans notre paysage. Il y a des alternatives et des projets qui sont mis en place pour soutenir les radios plus petites et pas seulement sur le plan économique, mais aussi technique. La FM a encore de très beaux jours devant elle et le DAB+, pendant de longues années, va suppléer à la FM au lieu de la remplacer. Les radios locales ne sont pas obligées de monter directement sur le DAB+ et pourraient parfaitement rester en FM ou utiliser une technologie moins coûteuse comme le DRM. Il existe aussi le fond d’aide à la création radiophonique, qui contribue à la diversité de la production et auquel les grands acteurs contribuent de manière significative. Ce fond est prévu pour soutenir la création d’émissions, mais on pourrait parfaitement étendre ses missions au soutien du passage des petites radios au numérique.
Enfin, nous nous sommes mis à plusieurs pour créer « Radio Player », anciennement « Ma radio ». Il s’agit d’une plateforme en ligne qui a pour vocation de regrouper toutes les radios en FWB reconnues par le CSA et leur donner de la visibilité en ligne, que l’on soit de petite ou de grande taille. C’est d’ailleurs avec ce genre d’initiatives autour d’une même plateforme que les radios belges vont pouvoir continuer d’exister à l’avenir. Elles sont capables, malgré leur concurrence, de créer des alliances. J’appelle cela de la coopétion (NDLR contraction de Coopération et compétition) On parle ici de pluralisme local des radios, car face au numérique qui globalise l’offre (à tout le moins sur internet), la Belgique francophone est un petit village qui doit pouvoir résister.
C’est-à-dire ?
Au-delà de la Belgique francophone et du pluralisme local, notre combat futur se situe au niveau mondial. On retrouve aujourd’hui des agrégateurs en ligne tels que « TuneIn » qui utilisent nos flux et font de la pub sur nos contenus sans notre consentement et donc sans nous rétribuer. C’est un problème vital si, à l’avenir, la consommation et donc nos annonceurs se déplacent vers ce type de plateforme. En Belgique, nous avons un écosystème qui fonctionne jusqu’à présent très bien. Le danger pour ce système, c’est le village global, la révolution digitale. Ce système mondial offre naturellement une pluralité exceptionnelle. On a accès à des milliers de radios en 2 clics. La révolution digitale permet un pluralisme mondial jamais atteint mais elle risque, en même temps, d’affaiblir voire de détruire notre pluralisme local. Ce sont des projets de plateformes comme « Radio Player » qui nous permettront, à notre petite échelle belge, de valoriser nos contenus locaux. Actuellement, nous avons commencé à négocier avec tous ceux qui fournissent un outil d’accès à nos contenus (comme les fabricants automobiles et de smartphones) pour qu’ils prennent en compte notre Radio Player et tous les autres projets qui nous permettront de ne pas être mangés par la globalisation du numérique.