Les Médias de proximité, Des médias qui s’adaptent, évoluent, innovent, échangent, mutualisent, au bénéfice des citoyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles

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Carte blanche confiée à Jean-François Furnémont, Directeur général du Réseau de Médias de proximité

C’était il y a 50 ans. Dans certaines villes et villages de Wallonie, au gré à la fois d’une évolution d’un rapport aux médias (la volonté croissante de citoyens de s’impliquer dans la production de programmes de télévision – et aussi de radio – qui s’adressent à leur communauté) et des technologies (la pose de câbles de télédistribution à travers toutes les routes et les trottoirs du pays, permettant la diffusion d’un grand nombre de programmes), des initiatives de ce qu’on appelait alors les « télévisions communautaires » ont commencé à apparaître. Une des toutes premières était lancée par l’ASBL Télévision Communautaire Gembloutoise (TVCg) en 1973, ancêtre de Canal Zoom. 

Au fil de la création d’initiatives similaires sur tout le territoire de la Wallonie et de Bruxelles au cours principalement des années 1970 et 1980, jusqu’à la création de TV Lux voici 25 ans, un maillage de télévisions locales s’est formé, couvrant toutes les communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

Afin d’encadrer règlementairement ces initiatives citoyennes, la Fédération Wallonie-Bruxelles a autorisé et soutenu des expériences de ce qu’on appelait alors des « télévisions locales et communautaires » dès 1976. Devenues « télévisions locales » sur base du décret de 2003 sur la radiodiffusion et aujourd’hui « médias de proximité » (elles font en effet bien plus que de la télévision, nous y reviendrons) sur base du décret de 2021 relatif aux services de médias audiovisuels, elles sont aujourd’hui au nombre de 12 et remplissent des missions fondamentales pour notre société, comme le précise le législateur dans ce même décret : il y est détaillé que ces médias de proximité « ont pour mission de service public, dans la zone de couverture les concernant, la production et la réalisation de programmes d’actualités, d’animation, de développement culturel et d’éducation permanente. Ils s’engagent à promouvoir la participation active de la population de la zone de couverture les concernant ». Ce même législateur ajoute que « en arrêtant son offre de programmes, le média de proximité veille à ce que la qualité et la diversité des programmes offerts permettent de rassembler des publics les plus larges possibles, d’être un facteur de cohésion sociale, tout en répondant aux attentes des minorités socioculturelles, et permettent de refléter les différents courants d’idées de la société, en excluant les courants d’idées non démocratiques, sans discrimination, notamment culturelle, ethnique, sexuelle, idéologique ou religieuse et sans ségrégation sociale. Ces programmes tendent à provoquer le débat et à clarifier les enjeux démocratiques de la société, à contribuer au renforcement des valeurs sociales, notamment par une éthique basée sur le respect de l’être humain et du citoyen, et à favoriser l’intégration et l’accueil des populations étrangères ou d’origine étrangère vivant dans la région de langue française et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale », et précise enfin que « le média de proximité veille à la valorisation du patrimoine culturel de la Communauté française et des spécificités locales »

Ces médias de proximité (ou pour faire bref MDP) ont donc entre 25 et 50 ans. Aux côtés du média de service public organique de la Fédération Wallonie-Bruxelles (la RTBF) et des télévisions privées, ils occupent une place originale dans le paysage audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en développant leurs missions fonctionnelles de service public (il ne s’agit pas d’un service public organique comme la RTBF, mais bien de 12 ABSL – donc, privées – bénéficiant de divers financement publics en échange de la réalisation de certaines mission d’intérêt public) avec une spécificité qui est celle du rapport de grande proximité avec leurs publics. Ce public est naturellement celui des communes leur zone de couverture, mais il est devenu au fil du temps (et de la possibilité offerte par la technologie d’être vu partout) bien plus large. Peu importe où nous habitons, nous avons tous un jour ou l’autre entendu parler ou avons voulu en savoir plus au sujet de la Ducasse d’Ath, du Doudou à Mons, du carnaval de Binche, de Namur en mai, du 15 août à Liège, des Francofolies de Spa, de la Foire de Libramont, … 

Au cours de ces 25 à 50 années d’existence (car l’actualité du secteur audiovisuel démontre chaque jour qu’un média qui n’évolue pas est un média qui disparaît en quelques années voire quelques mois), ces MDP ont fortement évolué. Si l’état d’esprit des pionniers demeure (à savoir parler à sa communauté), les MDP sont devenus des médias qui ont su s’adapter à la législation qui les encadre, aux acteurs publics et privés qui les financent, aux technologies qui apparaissent, à un marché totalement diversifié et globalisé, et surtout aux usages du public avec lequel elles communiquent. Ils n’ont plus rien d’une télévision distribuée en mode linéaire (autrement dit en direct) sur un seul réseau filaire de télédistribution (celui des intercommunales) puis un second (celui de Belgacom devenu Proximus), exclusivement sur leur zone de couverture, comme ce fut le cas jusque dans le courant des années 2000. Ils sont en ligne, disponibles en direct et à la demande, gratuitement pour tous les publics de la Communauté française et au-delà, où qu’ils soient en Wallonie, à Bruxelles, en Flandre ou expatrié n’importe où dans le monde. Ils proposent des contenus spécifiques en ligne, notamment lors de grands événements qui fondent notre sentiment d’appartenance à la Communauté française. Ils sont présents sur Facebook, sur Instagram, sur YouTube, sur Twitter, sur LinkedIn, sur TikTok, sur Spotify, sur Deezer, sur Twitch, … et ils seront présents demain partout où ils pourront rester en contact avec leur public. Ils ont une audience par jour de 625.000 téléspectateurs, 2.800.000 visiteurs uniques par mois sur leurs sites web, 770.000 fans sur leurs réseaux sociaux. Certains ont développé leur propre application pour smartphone. L’un d’entre eux, BX1, fait même de la radio, et est diffusée depuis quelques mois en DAB+, la radio numérique terrestre. 

Toutes ces missions et ces initiatives sont remplies dans un contexte budgétaire dont le rapport qualité-prix est pour ainsi dire imbattable. Les MDP sont flexibles, souples, réactifs, les décisions s’y prennent vite, le personnel est y très polyvalent, et les coûts de production y sont particulièrement faibles. Dès lors leur activité pèse peu sur les finances publiques : le rapport entre l’argent investi par la Fédération Wallonie-Bruxelles et le coût de la minute de production propre est absolument imbattable, de l’ordre de 35 € par minute. Les subventions que celle-ci alloue aux 12 MDP sont environ 30 fois inférieures à celles allouées à la RTBF. Et nous parlons bien pour les 12 cumulés… 

Par ailleurs, conscients des avantages et des nécessités d’une mutualisation, les MDP ne cessent de fédérer davantage leurs ressources. Le Réseau des médias de proximité (RMDP), structure unique en son genre dans le paysage audiovisuel européen, compte aujourd’hui une quinzaine d’employés. Sa « petite sœur », le GMDP, un groupement d’employeurs, une douzaine. A la demande des MDP, ces deux ASBL fédèrent et mutualisent tout ce qui peut l’être, avec une polyvalence de plus en plus grande : il peut s’agir de ressources humaines et administratives, de la programmation commune, de la commercialisation au-delà des zones de chacun, de ressources techniques, d’obligations en termes d’accessibilité (sous-titrage et audiodescription), d’archivage du patrimoine (numérisation, préservation, indexation), de la communication, … Par ailleurs, un nouveau comité numérique vient de voir le jour afin de fédérer et partager les initiatives de développement numérique des 12 MDP. 

Les MDP et le RMDP, ce sont des centaines d’employés et de pigistes, une grande diversité de métiers (journalistes, réalisateurs, producteurs, cameramen, techniciens, infographistes, commerciaux, sous-titreurs, documentalistes, archivistes, …) qui contribuent à la richesse et à la diversité de notre paysage médiatique mais aussi au dynamisme et à la prospérité du secteur audiovisuel dans son ensemble. Ce sont des médias bien ancrés dans les réalités de 2023, sans renier leurs racines de 1973. Des médias qui s’adaptent, évoluent, innovent, échangent, mutualisent, au bénéfice des citoyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles, peu importe où ils sont et par quel écran et quelle application leurs yeux sont captivés. 

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