5G, concurrence des télécoms, l’IBPT en première ligne des grands enjeux du paysage de la distribution 

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Entretien de Michel Van Bellinghen, Président de l’IBPT 

L’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) est le régulateur belge du secteur de la poste et des télécommunications et est le régulateur des médias dans la Région de Bruxelles-Capitale. Leur compétence en matière de médias consiste à veiller à ce que les opérateurs respectent la réglementation spécifique en matière de radiodiffusion sonore et télévisuelle, pour autant que les activités de l’organisme de radiodiffusion ne puissent pas être spécifiquement liées à la Communauté française ou à la Communauté flamande.  

Les compétences de l’IBPT en matière de télécommunications tiennent également compte des nouveaux défis numériques. Elles touchent à des matières variées dont l’organisation d’une concurrence saine du marché et plus largement la protection des consommateurs et des consommatrices. Entre la vente des fréquences 5G, le maintien d’une concurrence saine à l’intérieur du paysage de la distribution et les défis du numérique, notamment environnementaux, l’IBPT est en première ligne sur de nombreux dossiers. Coup de zoom avec Michel Van Bellinghen qui préside le conseil de l’instance.  

L’un de vos grands chantiers est la protection des ressources rares. Sur ce point, la vente des fréquences 5G a représenté un moment très important pour votre instance. Comment ce dossier a-t-il été géré ? ou en est-on pour le moment ?  

Il s’agit d’un projet de longue haleine. L’IBPT avait déjà commencé en 2016 les préparations légales des mises aux enchères, mais les gouvernements ne sont parvenus à un accord qu’à la fin 2021 au sein du Comité de concertation sur le projet de loi et les arrêtés royaux fixant les conditions d’obtention et d’exercice des droits d’utilisation 5G en Belgique. Ce n’est qu’après cet accord final du Comité de concertation que l’IBPT a pu commencer les préparatifs de la mise aux enchères. 

Après une publication au Moniteur début 2022, l’IBPT a contrôlé la recevabilité des candidatures. Cinq opérateurs, à savoir Citymesh Mobile SA, Network Research Belgium SA, Orange Belgium SA, Proximus SA et Telenet Group SA ont été déclarés admissibles.  S’en est ensuite suivie l’attribution aux opérateurs existants du spectre radioélectrique leur était réservé. Puis, la mise aux enchères proprement dite a eu lieu.  

Enfin, l’IBPT a pu prendre les décisions d’attribution de droits d’utilisation le 23 août et le 16 novembre 2022. 

À présent, les opérateurs commencent à développer leur réseau 5G, évidemment conformément aux normes de rayonnement fixées par les régions. 

Cette mise aux enchères est effectivement un événement important et constitue la base de l’utilisation de cette ressource rare par les réseaux mobiles publics pour les vingt prochaines années. 

Avec le CSA et son équivalent en communauté flamande et germanophone, vous œuvrez aussi instaurer une concurrence saine dans le paysage de la distribution. Dans un pays où les prix des télécoms sont parmi les plus élevés d’Europe, c’est une mission de première importance. Quels sont les mécanismes et les projets mis en place ?  

Rappelons d’abord que l’IBPT ne régule pas les prix de détail (les prix payés par les consommateurs). Ceux-ci sont fixés librement par les opérateurs. L’IBPT régule les prix de gros (les prix que les opérateurs télécoms se paient entre eux), en particulier les prix des grands opérateurs (les opérateurs « puissants ») qui doivent partager leur réseau avec des concurrents. Dans de tels cas, il faut éviter que les prix de gros ne soient excessifs, parce que cela rendrait la concurrence impossible. 

Même s’il ne régule pas les prix de détail, l’IBPT suit de près l’évolution des prix. Il procède régulièrement à des comparaisons entre les prix des opérateurs belges, ainsi qu’à des comparaisons entre les prix en Belgique et dans les pays voisins. Ces études servent à déterminer si de nouvelles mesures sont nécessaires pour stimuler la concurrence ou pour mieux informer les consommateurs.  

Enfin, l’IBPT aide les consommateurs à faire le bon choix. Les consommateurs sont encouragés à comparer régulièrement les offres disponibles sur le marché. Pour les aider, l’IBPT met à leur disposition un simulateur tarifaire (https://meilleurtarif.be) qui rassemble tous les plans tarifaires existants et aide à sélectionner le plus adapté à leurs besoins et le moins cher. Les analyses de l’IBPT ont mis en évidence des différences importantes entre les offres les plus chères et les moins chères. 

La Belgique a encore des territoires en « zone blanche ». Vous disposez même d’un outil pour les identifier. Y-a-t-il des évolutions ? qu’attendez-vous des opérateurs pour remédier à ce problème ?  

L’IBPT dispose d’un atlas des réseaux fixes. Les cartes de couverture Internet sont établies à partir des données fournies par les opérateurs de télécommunications. À cette fin, chaque opérateur communique à l’IBPT son estimation de la couverture Internet par ligne de télécommunication fixe sur le territoire belge. La première publication des cartes date d’avril 2016. Les cartes sont régulièrement mises à jour ; la dernière fois était en novembre 2022. Les nouveautés de cette publication sont la fonctionnalité qui permet d’afficher des données de couverture détaillées et individualisées par opérateur au niveau de l’adresse et la visualisation des données de couverture agrégées au niveau territorial pour les vitesses de téléchargement de 400 et 1 000 Mbps. En Belgique, selon les derniers chiffres, seuls environ 3 000 ménages n’ont pas de couverture de l’internet fixe. En Belgique, 99,2 % des ménages bénéficient d’un débit de 30 Mbps et 97,2 %, d’un débit de 100 Mbps. En outre, respectivement 95,6 % et 72,8 % des ménages belges bénéficient d’un débit de 400 et 1000 Mbps. 

Il convient toutefois de constater que le développement dans certaines régions, principalement des zones rurales faiblement peuplées, est moins rentable, ce qui rend les opérateurs moins enclins à y investir massivement. L’un des objectifs de connectivité de l’Union européenne est cependant l’accès à la connectivité avec au moins 100 Mbps pour tous les ménages européens. Afin d’accomplir cela en Belgique, le gouvernement fédéral a lancé un appel à projets pour lequel des subventions sont prévues afin d’éliminer les « zones blanches ».  

Vous avez été mandaté par le Gouvernement pour mener une étude sur l’impact écologique des réseaux de télécommunication.  Pourriez-vous nous en dire plus ?  

Dans le cadre du développement durable et de la poursuite de la numérisation, le recours aux infrastructures numériques ne fait qu’augmenter. Cependant, l’augmentation de la consommation de données qui l’accompagne pourrait entraîner une croissance continue de l’impact écologique des infrastructures numériques. En 2022, l’IBPT a également commandé une étude pour connaître l’empreinte écologique des réseaux de télécommunications en Belgique. Elle s’est penchée spécifiquement sur l’évolution de la consommation énergétique, les émissions de CO2, la consommation d’eau et le traitement des déchets durant les quatre dernières années. 

Il ressort de cette étude que la « durabilité » est déjà un thème important pour les trois opérateurs de télécommunications interrogés (Orange Belgium, Proximus et Telenet) et que ceux-ci ont déjà mis au point plusieurs initiatives et fixé des objectifs. Entre 2018 et 2021, leur consommation énergétique a baissé de 11 % et leurs émissions de CO2 ont diminué de 38 %. Le secteur des télécommunications a une part de moins de 1 % de l’utilisation totale d’énergie en Belgique, et 80 % de cette électricité utilisée provient de sources renouvelables. Bien que le marché belge des télécommunications soit déjà neutre en carbone grâce à l’achat de droits d’émission, de nouveaux efforts sont consentis pour réduire davantage les émissions de CO2.  

Les opérateurs misent également sur la réutilisation et le recyclage des décodeurs, des modems et des smartphones, notamment, afin de réduire la montagne de déchets. 

L’IBPT s’appuie sur cette première étude pour continuer de surveiller le marché et de définir les nouvelles actions pouvant être prises en matière de durabilité.  

Vous avez occupé la présidence du BEREC (l’organe européen des communications électroniques). Que retenez-vous de cette expérience ? 

Dialoguer avec les nombreux acteurs du paysage de la régulation des marchés numériques au nom de trente-sept régulateurs était une expérience passionnante. Sous ma présidence, les discussions avec les co-législateurs ont été très intenses, par exemple dans le domaine du Digital Markets Act, alors encore au stade de développement. Grâce aux contacts et aux publications de l’ORECE, je pense que nous sommes parvenus à mettre en avant l’expertise de l’ORECE en matière de régulation ex-ante. Je me réjouis dès lors que certains des avantages de cette forme de régulation ont finalement été intégrés dans le règlement européen.  

Je retiens également les nombreux échanges qui ont eu lieu concernant les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne sur l’inadmissibilité de principe du zero rating (le fait de ne pas comptabiliser le trafic de données de certaines applications sur le volume de données du contrat) dans le cadre du respect de la neutralité de l’internet. Pour l’ORECE et quasiment tous les régulateurs, ces arrêts impliquaient que le contrôle du zero rating devait être revu. Les contacts et le travail soutenu entre régulateurs ont jeté selon moi de bonnes bases pour adapter rapidement et de manière concluante les lignes directrices de l’ORECE en la matière.   

Par ailleurs, j’ai été très heureux d’avoir pu proposer une stratégie de l’ORECE pour la période 2021 à 2025 qui a été adoptée à l’unanimité par mes collègues, avec l’ambition de développer ses connaissances et de bâtir sa réputation de partenaire fiable des différentes parties prenantes, privées et institutionnelles. 

Les activités déployées par l’IBPT dans tous ces domaines sont réalisées en exécution de ses missions légales, à savoir :  


Rappel de l’action de l’IBPT en quelques mots :  

  1. organiser efficacement une concurrence saine et préserver l’accès au marché. À cet égard, une attention particulière est portée à la connectivité et à l’accès aux réseaux à haute capacité tels que la fibre optique ; 
  1. contribuer au développement d’un marché numérique interne de réseaux efficaces et de services performants ; 
  2. protéger les utilisateurs finaux notamment en améliorant la transparence dans les secteurs et en diminuant les obstacles pour passer chez un autre opérateur ;  
  3. favoriser l’intégration et la cohésion sociale pour tout le monde ; 
  4. gérer efficacement les ressources rares (spectre radioélectrique et numéros de téléphone) ;  
  5. garantir la sécurité des réseaux de télécommunications. Ils constituent l’épine dorsale de notre société numérique. 
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