« je crois très fort au lead by example »

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A l’occasion de la publication du nouveau Baromètre de l’égalité et de la diversité, le CSA a rencontré Isabel Verstraete, stratège de marque et auteure, qui préside la Female association of Marketing (FAM), un réseau d’échange, de partage et de conseils entre professionnelles du secteur du marketing. Son objectif : mettre en exergue les femmes dans le secteur du marketing, briser le plafond de verre et partager les expériences.

Vous êtes présidente de la Female Association of Marketing (FAM), pouvez-vous nous présenter votre association ?

La Female association of marketing (FAM) est une association au sein d’une autre bien plus grande : la Belgian Association of marketing (BAM). Il y a environ 3 ans, trois femmes ont décidé de créer cette association. J’en ai repris la présidence depuis 2 ans. L’association a été créée dans un contexte où la Belgian Association of marketing souhaitait s’ancrer dans un marketing plus « meaningful », qui véhicule du sens, qui adopte de vraies valeurs. Le meaningful marketing veut accorder une place à tout le monde : pas uniquement les femmes, mais aussi aux personnes d’autres origines, d’âges variés, de différentes religions, … Il s’agit donc d’être réellement une organisation inclusive et ouverte à la diversité.

La FAM a avant tout pour objectif de créer un réseau d’échange et de partage entre professionnelles du secteur du marketing et de mettre en exergue les femmes dans le secteur. Elle n’a pas pour vocation de travailler sur les stéréotypes au sein des publicités, même si on les utilise encore trop souvent dans la publicité. On ne fait pas d’événement ou d’action d’éducation autour de cette problématique.

La FAM veut être un endroit où les femmes professionnelles du marketing peuvent parler de tout, elles peuvent mettre leurs problèmes sur la table dans une atmosphère de confiance. Le groupe que nous avons formé est un groupe dans lequel les femmes se sentent vraiment en sécurité. Précisons que notre association n’est pas du tout “contre” les hommes. Des hommes participent d’ailleurs parfois à nos événements. Depuis que je suis Présidente, je me rends compte des contraintes importantes que nos membres rencontrent tous les jours dans leur travail. Et depuis la pandémie, elles peinent davantage à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. 

Vous parlez d’un groupe dans lequel les femmes peuvent se sentir en « sécurité ». En outre, sur internet on peut lire que votre association vise à « déculpabiliser » vos membres. Pourquoi parlez-vous de culpabilité des femmes membres de votre association ?

Je remarque que certaines femmes se sentent très vite coupables lorsqu’elles prennent un moment en plus de leur travail pour participer à un événement professionnel, faire du networking, se former… Créer un réseau autour de soi est très important pour la carrière professionnelle. Or, c’est quelque chose auquel les femmes n’osent pas toujours attribuer du temps. Pourquoi ? Parce qu’à l’heure de midi, elles peuvent aussi faire une course pour la famille, pour le foyer et le soir, s’occuper de leurs enfants, faire à manger, … On ne parle pas ici de prendre du temps pour une activité divertissante mais bien pour effectuer une activité professionnelle qui leur permet d’être, de devenir et de rester à la pointe en marketing. Quand un homme commence à travailler, il n’y a personne qui va lui demander le soir à un évènement professionnel : « Et vos enfants ? Comment avez-vous fait pour venir ? ». On veut faire comprendre que les femmes peuvent elles aussi se permettre d’avoir des activités importantes pour leur vie professionnelle hors de leur temps de travail habituel.

Les chiffres du service national de l’emploi mettent en exergue que 75 % du congé corona qui a été mis en place pour aider les personnes confinées à la maison pendant la pandémie, ont été pris par des femmes… C’est, à nouveau, la femme qui s’occupe des enfants. Pourtant, les hommes sont aussi en télétravail depuis la maison. Avant la pandémie, le congé de paternité augmentait, il y avait de plus en plus de jeunes papas qui restaient à la maison pour s’occuper de leurs enfants. Depuis la pandémie ce congé a diminué. La crise sanitaire a impacté considérablement les conditions de travail des femmes.

Le but de votre association est notamment de « rendre les compétences des femmes visibles ». Notre Baromètre consacré au média radiophonique relève notamment que seulement 26,03 % des expert.e.s sont des femmes. Pensez-vous que cette faible représentation d’expertes dans les médias participe au manque de visibilité des compétences des femmes ? 

Tout à fait. Et cette invisibilité est, selon moi, liée à plusieurs choses. Premièrement, je me rends compte que les journalistes ouvrent toujours le même répertoire et contactent très souvent les mêmes personnes. Quand les journalistes connaissent un expert dans telle matière, ils reviennent continuellement vers lui. Ces personnes sont très souvent des hommes. Les journalistes ne cherchent pas nécessairement à diversifier, prendre contact avec quelqu’un de nouveau, quelqu’un de plus jeune, quelqu’un avec un autre point de vue … Cela peut d’ailleurs être aussi un problème pour les hommes. Deuxièmement, certaines femmes, avant d’accepter de répondre à une demande d’interview, ont besoin d’être sûres à 100% de maîtriser le sujet ou ont besoin d’être encouragées. Enfin, le troisième grand problème, c’est le bashing dont font l’objet les femmes en ligne quand elles participent à une émission de radio, de TV ou sur les réseaux sociaux. Les femmes s’exposent beaucoup plus au social media bashing que les hommes. Comment résoudre cela ? C’est une problématique très compliquée.

La FAM veut briser le « plafond de verre ». Selon vous quelles actions peuvent/doivent être menées par votre association mais aussi de manière générale ? 

Personnellement, je crois très fort au lead by example : tant qu’on ne voit pas que quelque chose est possible, on n’y croit pas. Par exemple, tant qu’il n’y avait pas eu un président noir aux Etats-Unis, cela semblait impossible. Obama a changé cela. Il s’agit donc de montrer des exemples positifs et qui inspirent les autres personnes. C’est ce qu’on est en train de faire avec la FAM. En effet, quand je suis entrée dans l’organisation du congrès de la BAM, il n’y avait pratiquement que des hommes sur scène, blancs et souvent d’un certain âge, sous-prétexte qu’on ne trouvait pas de femme. C’est la phrase qu’on entend le plus souvent dans le monde des congrès : on ne trouve pas de femmes. On entend la même chose dans les médias … C’est totalement faux. L’année dernière, avec le Président du comité du congrès, on a invité 50 % de femmes oratrices. Le congrès était en égalité de genre parfaite. On a trouvé des jeunes, des personnes d’origines différentes, …  Il y a des femmes qui interviennent sur un podium, répondent à une interview en radio, font des keynotes…. Ça existe, mais il faut les chercher et ça demande un peu plus de travail que d’appeler uniquement les personnes enregistrées dans son répertoire téléphonique.

Quels conseils FAM donne à ses membres ? Quels sont les leviers qui permettraient d’accroître l’égalité de genre ?

Je pense que la question du réseau est essentielle. Il est important pour moi que les femmes puissent être insérées dans un vrai réseau professionnel. J’appelle ça le smart female network. C’est ce que je veux construire avec FAM : un réseau de professionnelles sur lequel ses membres peuvent compter quand elles se posent des questions. Par exemple : “ comment tu as fait carrière, comment tu as combiné avec ta vie privée, comment est-ce que tu continues à apprendre des choses ?”. C’est un réseau de partage et d’échange. Je pense en effet que beaucoup de femmes se sentent très seules dans leur carrière parce qu’elles n’ont pas de réseau au sein de leur entreprise, ni en-dehors. 

Par ailleurs, je crois que les femmes ont aussi une responsabilité. Car si on attend uniquement que les autres changent on peut encore attendre très longtemps… Selon moi, les femmes doivent prendre conscience du pouvoir qu’elles ont, de ce qu’elles sont capables de faire. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des modèles inspirants et un réseau derrière soi.

La situation évolue. Elle est en train d’évoluer au sein même de l’organisation de marketing.be. Lors des dernières élections du comité de direction de BAM, j’ai encouragé des jeunes femmes, des femmes d’origine étrangère à se présenter. Je trouve ça important. Aujourd’hui, on compte 40 % de femmes dans le comité de direction. J’aurai préféré 50/50… mais petit à petit on va y arriver !

En savoir plus:

FAM

Baromètre diversité et égalité en radio

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