La diversité des radios est très grande, mais aussi fragile

Régulation | Régulation

Avec Xavier Jacques-Jourion, responsable de l’unité Radio du CSA 

On vous propose aujourd’hui de porter un regard sur le monde de la radio avec notre collègue Xavier Jacques-Jourion. Depuis le bureau de l’unité Radio du CSA, les dossiers se multiplient et on travaille au quotidien pour répondre à de nombreux enjeux. La radio, c’est le secteur le plus dense et l’un des plus variés du paysage audiovisuel belge.  

Tu es responsable de l’unité Radio du CSA. Comment se compose ton équipe ? Parle-nous des missions qui vous concernent ? 

Nous sommes trois personnes à l’unité Radio : il y a Yannick, qui vient de nous rejoindre en tant que conseiller, et notre assistante Charlotte qui partage son temps entre l’unité Radio et l’unité Télévision. Nous nous organisons ensemble pour mener à bien nos missions et nos tâches quotidiennes.  

Les missions en radio sont assez spécifiques. Tout part en réalité des fréquences radios que nous attribuons. Il faut bien comprendre que les fréquences radio sont précieuses et représentent une denrée rare. Il n’y en a pas assez que pour en attribuer à tout éditeur qui en ferait la demande. On lance donc un appel d’offres tous les neuf ans pour attribuer ces fréquences et les candidats-éditeurs postulent chacun avec un dossier qui décrit leur projet radiophonique, à travers notamment une série d’engagements en termes de promotion culturelle ou encore de production propre par exemple. Lorsque le paysage radiophonique est en place à l’issue de ce processus, notre mission est alors de contrôler que les radios respectent leurs engagements, mais aussi les bases du décret relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos. Ce contrôle annuel concerne tant les radios privées que la RTBF, qui est  contrôlée quant au respect de son contrat de gestion. 

En marge, nous délivrons également des autorisations de courte durée, les fréquences provisoires. Il s’agit des fréquences destinées à la couverture d’un événement ponctuel, avec une durée de maximum trois mois, par exemple pour couvrir un rallye, un marché de Noël, ou encore un drive-in cinéma qui a été très à la mode ces derniers mois avec la crise sanitaire. On s’occupe aussi de traiter les déclarations des web radios qui se multiplient ces derniers temps. 

Enfin, nous assurons la veille du secteur de la radio, en gardant un œil sur l’évolution des moyens de diffusion, des habitudes de consommation, ou encore des tendances du marché publicitaire. Aujourd’hui, c’est aussi suivre de près la transition numérique de la radio, à travers son passage au DAB+ ou la montée du podcast par exemple. 

Le secteur radiophonique est le plus dense à l’intérieur du paysage audiovisuel. Comment décrire cette diversité ? 

La première chose à dire est que ce secteur est effectivement très contrasté. Les radios de service public côtoient les radios privées qui travaillent avec des moyens et des contraintes très différents. Parmi ces dernières, il faut encore distinguer les radios en réseau et les radios indépendantes, à portée exclusivement locale. Certaines sont de puissants acteurs économiques alors que d’autres sont beaucoup plus modestes et essentiellement gérées par une poignée de bénévoles. Les modèles économiques varient beaucoup aussi, allant d’un modèle commercial dépendant de la publicité, à un modèle purement associatif dépendant de sources de revenus alternatives. Il y a aussi une grande variété dans les zones de couverture : certaines radios sont diffusées à l’échelle d’un village, d’autres au niveau des provinces, d’autres encore couvrent toute la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette diversité de territoire a clairement une influence sur le style et la sonorité des radios, car les publics sont du coup très variés. Les radios indépendantes, à couverture très localisée, jouent à ce titre un rôle très important au niveau du tissu socio-culturel des communes. 

Enfin, je voudrais épingler deux types de radios bien particuliers : tout d’abord, les radios « communautaires » qui s’adressent à des communautés spécifiques et dont le projet est articulé autour d’un trait culturel partagé (langue, région d’origine, culte…). Ces radios remplissent un rôle essentiel de porte-voix de groupes socio-culturels souvent minoritaires et sous-représentés dans les médias traditionnels. Ensuite, il y a les radios « associatives et d’expression » qui bénéficient d’un statut particulier et qui, dans les grandes lignes, sont des radios locales, basées principalement sur le bénévolat, qui poursuivent des objectifs forts en matière de développement culturel, d’éducation permanente et de participation citoyenne. 

Le paysage radiophonique est très diversifié, mais cette diversité ne tient qu’à un fil. Certaines radios contribuent à la diversité du paysage avec des programmes importants, mais reposent sur des modèles économiques d’une grande précarité. La crise sanitaire que nous traversons actuellement met ces radios en grandes difficultés, comme le souligne notre dernier rapport sur l’impact de la crise. Les grands acteurs commerciaux et les acteurs subsidiés s’en sortent, mais pour les autres, c’est une autre histoire. 

C’est un défi de réguler un paysage aussi dense ? 

C’est un énorme défi, car il y a de très nombreux régulés et nous sommes une petite équipe. On a un très grand nombre de dossiers à traiter qui arrivent de toutes parts et nous sommes donc contraints de gérer en permanence les priorités pour s’assurer de pouvoir mener à bien nos missions. Les radios sont parfois très créatives par rapport au décret, il faut en permanence remettre l’église au milieu du village et rappeler les limites du cadre légal. Nous aidons également les radios à s’y retrouver dans un contexte administratif qui n’est pas toujours facile à comprendre. 

Un autre défi important, c’est de pouvoir garantir une équité de traitement pour tous les régulés et s’assurer donc qu’on ne passe pas plus de temps sur un dossier plutôt qu’un autre. Quel que soit l’éditeur, on doit avoir le même traitement pour tout le monde, et vu la taille du secteur et la grande diversité des éditeurs dont nous venons de parler, c’est un réel enjeu.  

Quels sont les enjeux actuels de régulation en radio  

Nous sommes deux ans après le plan de fréquences de 2019 qui a représenté un enjeu très important car, pour la première fois, les radios montent en DAB+ en plus de la FM. Actuellement, nous sommes en plein dans cette transition pour les radios indépendantes… Le contexte de la crise sanitaire crée des situations parfois compliquées et inquiétantes chez les plus petits éditeurs. Dans les mois et années à venir, un autre enjeu concernera les nouveaux formats en radio, comme les podcasts et les webradios, par exemple, qui connaissent une véritable explosion. 

   Send article as PDF