Marie Coomans, la plume de l’organe décisionnel du CSA

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Rencontre avec Marie Coomans, Conseillère juridique du CSA

Aujourd’hui, on vous présente un métier incontournable au sein du CSA. Celui qu’occupe Marie Coomans depuis maintenant 10 ans en tant que Conseillère juridique au sein de l’institution. Au regard des nombreux dossiers du CSA qui touchent de près ou de loin aux questions juridiques, on peut dire que notre collègue ne manque pas de sollicitations. Une question sur les droits d’auteurs, les marchés publics, un article spécifique du décret ? Marie Coomans aura certainement la réponse, ou du moins, la trouvera rapidement ! La première fonction du Conseiller ou de la Conseillère juridique, c’est donc d’être polyvalent.  

La seconde mission confiée à Marie Coomans, c’est le Secrétariat du Collège d’autorisation et de contrôle (CAC). Une tâche qui n’est pas des moindres, car elle consiste à assister aux réunions, rédiger les PVs et préparer les textes des décisions dont la rédaction relève parfois du défi (à vous de vous faire votre propre idée en consultant notre rubrique liée aux activités décisionnelles du CSA). Coordonner le Secrétariat du CAC, c’est comme devenir la plume de l’organe décisionnel du CSA, un des poumons de l’activité régulatoire des médias… Rien que ça.  

Nous avons frappé à la porte de notre collègue (ou plutôt programmé un visio) pour lui adresser quelques questions et mieux connaître son travail et ses motivations…  

La régulation des médias, ça passe par une série d’étapes, depuis le dépôt d’une plainte ou ouverture d’instruction, jusqu’à la décision. Quelles sont-elles ? Pourquoi sont-elles importantes ?  

La régulation, ce n’est pas seulement le traitement des plaintes, loin de là. En réalité, ce sont tous les services du CSA qui travaillent chaque jour à appliquer et faire évoluer la régulation. Les plaintes, les instructions et les procédures contentieuses représentent un des aspects de la régulation avec effectivement des étapes juridiques importantes qui aboutissent, pour certains dossiers, à des décisions.  

Les plaintes que nous recevons sont examinées par un organe spécialisé qui s’appelle Secrétariat d’instruction (SI). Sa première tâche est alors d’examiner la recevabilité des plaintes. Une plainte sera considérée comme irrecevable si elle ne vise pas une infraction aux normes que contrôle le CSA, ou si elle concerne un service pour lequel le CSA n’est pas compétent. Si la plainte est recevable, le SI examine alors le fond du dossier. À ce stade il décide soit de classer sans suite, soit d’ouvrir une instruction. Au cours de son instruction, le SI peut encore classer sans suite, mais s’il ne le fait pas, il va devoir constituer un dossier d’instruction comportant un rapport dans lequel il propose au CAC la notification à l’éditeur concerné d’un ou plusieurs griefs. Si le CAC décide de notifier un grief, l’éditeur dispose alors d’un délai pour préparer sa défense. Il peut remettre un écrit ou se défendre uniquement verbalement lors d’une audition au cours de laquelle il va exprimer ses moyens de défense.  

Ce n’est qu’à l’issue de toutes ces étapes que le CAC va délibérer et prendre une décision finale qui sera transmise à l’éditeur, publiée sur notre site et parfois communiquée plus largement. Cette décision, c’est mon rôle de la rédiger en prenant soin de rappeler tout l’historique du dossier, les arguments de la défense et les motivations du CAC. C’est un exercice qui s’avère parfois difficile mais stimulant car bon nombre de dossiers sont complexes…  

Toutes ces étapes peuvent paraître lourdes, mais elles visent principalement à respecter les droits de la défense de l’éditeur. D’autres principes importants à respecter tout au long de la procédure sont l’impartialité (c’est pour cette raison que les membres du CAC peuvent se récuser ou être récusés en cas de conflit d’intérêts) et la transparence (c’est pour ça que l’on publie toutes les décisions du CAC).  

Quels sont les dossiers qui t’ont particulièrement intéressée ces dernières années ? 

J’aime toujours bien préparer les décisions du CAC dans le cadre des procédures contentieuses. J’ai à cœur d’apporter une réponse à tous les arguments soulevés et d’arriver à une conclusion qui soit juridiquement solide. J’aime aussi faire en sorte que, dans la mesure du possible, la décision, bien que juridiquement rigoureuse, soit lisible et compréhensible par un public non spécialiste. 

Quant aux domaines sur lesquels portent ces décisions, je trouve particulièrement intéressants la protection des mineurs, les questions de discrimination, de dignité humaine et d’égalité hommes-femmes. C’est purement personnel bien sûr, certains pourraient être davantage passionnés par la communication commerciale par exemple.  

En dehors des procédures contentieuses, je me suis particulièrement intéressée, il y a deux ans, au plan de fréquences radio. C’était la première fois que j’y participais (je n’étais pas encore au CSA en 2008) et c’était assez fascinant de pouvoir participer à un projet d’une telle envergure et qui a autant d’impact sur tout un secteur.  

Les dossiers qui t’ont donné du fil à retordre ? 

Parfois, certains dossiers contentieux sont très complexes et demandent beaucoup de recherches et de réflexion pour arriver à une argumentation juridique qui tient la route. Je pense par exemple à la question de la régulation des onglets vidéo des sites d’éditeurs de presse, sur lesquels le CSA a finalement estimé qu‘il n’était pas compétent dans l’état où étaient organisés ces sites à l’époque. Je pense aussi à la question de la compétence territoriale sur les services du groupe RTL qui ciblent le public de la FWB.  

C’est aussi toujours difficile lorsqu’un éditeur attaque devant le Conseil d’Etat une décision sur laquelle on a travaillé. On a actuellement toute une série de recours pendants dans le cadre du plan de fréquences de 2019, ainsi que dans le cadre de notre désaccord avec le groupe RTL sur les questions de compétence territoriale. Il faut pouvoir gérer l’insécurité juridique liée à ces procédures et voir objectivement si on a commis une erreur (auquel cas il vaut mieux retirer la décision attaquée) ou si on maintient son analyse et attend la décision du Conseil d’Etat, dans l’espoir qu’il confirme notre position. 

La régulation des médias se raccroche à une série de valeurs. Lesquelles sont les plus importantes pour toi ? 

La protection des publics vulnérables me semble très importante : je pense aux mineurs mais aussi à toutes les questions d’accessibilité des programmes pour les personnes en situation de déficience sensorielle. 

Le service au public me tient également à cœur. Le CSA a des missions à accomplir en ce sens. A ce titre, il dispose d’un certain nombre de pouvoirs et d’un financement, et il doit en faire usage de manière responsable. Raison pour laquelle il est important de bien faire son travail en gardant à l’esprit pourquoi on le fait : pour garantir un paysage audiovisuel qui respecte certains standards tout en ayant vis-à-vis de nos régulés – qui sont un secteur important de notre économie mais qui jouent aussi un rôle important dans notre démocratie – une attitude non pas répressive mais d’accompagnement. 

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