Hadja Lahbib, Vice-Présidente du CSEM
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a publié une première étude importante sur l’usage des modes de consommation de l’audiovisuel en Fédération Wallonie-Bruxelles. “MAP” pour Média, Attitudes et Perceptions passe au crible la manière dont les belges francophones consomment les services de médias audiovisuels en télévision, VOD en fonction, notamment de leur âge, genre, niveau de diplôme, statut socio-professionnel… MAP soulève une série d’enjeux en matière de protection des jeunes publics, mais pointe aussi la fracture numérique qui subsiste encore à l’intérieur de notre société. Nous avons présenté ces résultats à Hadja Lahbib, journaliste et Vice-présidente du Conseil supérieur de l’éduction aux médias, le CSEM.
On observe que les jeunes générations sont confrontées de but en blanc à une profusion d’offres en VOD sans nécessairement disposer des clés de compréhension fondamentales des contenus qui leurs sont proposés. Quels sont selon vous les enjeux en termes d’éducation aux médias ?
L’enjeu est celui de voir les jeunes (et les moins jeunes qui accèdent aussi aux réseaux sociaux) se faire manipuler par des images, des propos aux sources non fiables, voir manipulées ou produites de façon à manipuler… Ce que l’on observe pour l’instant, cette vague de méfiance et de complotisme en est un dangereux symptôme. L’enjeu est en définitive de donner au public le plus large possible, à tous en fait, les outils nécessaires au décryptage, les bases du journalisme en somme. Si l’on compare cela à un autre secteur, c’est comme de permettre à chacun de ne pas se faire « arnaquer » par un mauvais contrat.
L’étude MAP ainsi que celle #Génération 2020 conduite par le CSEM alimentent la réflexion sur la fracture numérique. L’étude MAP a mis en effet en exergue que 11,5% des ménages n’ont pas de connexion Internet. De plus, l’analyse montre que 43,2% des répondant.e.s ont un faible un niveau de familiarité objectif à la technologie. L’enquête Génération 2020 relève que la fracture numérique n’est pas un phénomène circonscrit aux classes de population les plus âgées. Les jeunes seraient également concerné.e.s. Ils.elles disposeraient d’un accès à l’Internet par le biais de leur smartphone, mais manqueraient des connaissances et des codes nécessaires à la vie réelle (études supérieures, emploi, démarches administratives etc.). Quelles sont selon vous les stratégies à adopter face à ces constats ?
Il faudrait intégrer l’usage des outils numériques dans les cours essentiels dès la première secondaire, voir la fin du primaire. Trop de jeunes n’utilisent leur smartphone ou leur liaison internet pour s’amuser, se distraire ou communiquer… nettement moins pour faire des recherches en lien avec leur cours, ou l’apprentissage en général.
Une intégration de l’outil numérique et de son usage dans les cours serait plus que bénéfique. Pour l’instant, internet s’apprend de façon intuitive et chacun de son côté… Cela donne lieu à bien des dérapages, des manipulations et cela restreint le champ éducatif que pourrait apporter la toile.
L’étude MAP se conclut par un ensemble de recommandations. Parmi elles figurent des initiatives de coopération entre acteurs publics comme par exemple entrele Service du Numérique éducatif , le CSEM, le CSA, l’Agence du Numérique ; et des partenariats avec Agoria, le Forem ou Actiris Qu’en pensez-vous ?
Tous les acteurs en lien avec l’éducation, l’information, l’intégration sociale, la formation… Tous ont un rôle à jouer. Ce n’est que si tous ces secteurs se mobilisent que l’on pourra toucher les différentes couches de la population, y compris les seniors trop souvent oubliés. Les médias de services publics doivent aussi jouer leur rôle.
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