Une conscience citoyenne au service du public

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Entretien avec Benoit Renneson, responsable du monitoring et du suivi des programmes au CSA 

On imagine souvent, par erreur, les employés du CSA passant leur journée à écouter la radio et regarder la TV. En fait, c’est toi qui fais ça au CSA, non ? 

Non, pas vraiment. Ma tâche prioritaire est l’acquisition d’images et de contenus pour les mettre à disposition des différentes équipes. Ce n’est pas moi qui observe tout et tout seul dans mon coin. Mon travail concerne également l’équipement, donc les décodeurs, car si on travaille sur la protection des mineurs, les décodeurs sont à prendre en ligne de compte.  

Pour les monitorings, il y en a des récurrents qui concernent la publicité, la protection des mineurs, l’accessibilité ou encore la promotion des œuvres européennes en VOD. A côté de cela, il y a des monitorings spécifiques qui peuvent être initiés par le Secrétariat d’instruction s’il rencontre une problématique particulière ou par les unités du CSA, par exemple pour observer le ciblage publicitaire en FWB par les services étrangers ou dans le cadre de la préparation d’une recommandation. Ces monitorings peuvent également servir au débat avec les éditeurs. 

Il y a également des événements ponctuels. Le plus gros, c’est dans le cadre des élections car on reçoit beaucoup de plaintes du public et on doit veiller à ce que le règlement en période électorale et les dispositifs des différents services soient bien appliqués. 

Les contenus peuvent provenir des services linéaires, mais ils sont également de plus en plus sur les réseaux sociaux, sur les plateformes de partage de vidéos ou les plateformes VOD. Le travail d’acquisition devient complexe car la consommation des médias devient très personnalisée par les algorithmes et pour la publicité ciblée. Si on est plusieurs observateurs sur une même thématique, on peut ne pas observer la même chose. Le monitoring des plateformes comme Twitch, YouTube ou les réseaux sociaux est un travail compliqué car, quand on y entre, on arrive dans des communautés qui n’ont pas les mêmes codes que nous, ne parlent pas le même langage, etc… mais ce travail est important, sous l’angle de la protection des mineurs par exemple, ou encore des pratiques de communication commerciale par les influenceurs belges. Il y a donc de nouveaux enjeux qui arrivent en ce moment et qui sont intéressants à observer. 

De cette évolution dans la diffusion de contenus que tu observes, est-ce que tu identifies des enjeux pour la régulation ? 

Il y en a différents. Un qui me tient particulièrement à cœur c’est l’éducation permanente. A côté de l’acquisition et des monitorings, je m’occupe également de cette obligation pour le service public et c’est intéressant de voir, par exemple, comment la RTBF s’installe avec du contenu sur les réseaux sociaux avec un projet comme Tarmac.  C’est un univers d’influenceurs commerciaux, mais leurs contenus arrivent à s’adresser aux jeunes avec des valeurs de service public. C’est intéressant de voir comment ça se développe, et de réfléchir à la manière de prendre en compte ce travail éditorial dans nos contrôles.  

Un autre enjeu concerne la publicité, son identification et aussi faire en sorte que sa pression ne soit pas trop forte.  Quand on travaille sur cette question sur les services linéaires c’est assez facile, car c’est ultra cadré légalement.  Mais évidemment, quand on arrive sur les nouvelles plateformes, avec des influenceurs qui sont des entreprises d’une personne, qui doivent quand même vivre de leur job et vivent principalement par le placement de produits, et dans une moindre mesure de la publicité que leur chaine génère, comment faire en sorte que les personnes qui vont regarder leurs vidéos soient informées qu’ils regardent de la publicité ou pas ? C’est une des grandes problématiques pour le moment. C’est leur métier et j’imagine que ce n’est pas simple d’en vivre. On peut comprendre qu’ils essaient d’utiliser toutes les ficelles mais il faut qu’on soit là pour leur rappeler qu’il faut quand même protéger les mineurs et les consommateurs. 

Parmi les différentes matières sur lesquelles tu as l’occasion de travailler, est-ce qu’il en y a qui te tiennent particulièrement à cœur ou avec lesquelles tu as un attachement particulier ? 

Je m’occupe aussi des programmes jeunesses et de l’éducation permanente pour la RTBF et les Médias de proximité. Ce sont deux matières qui m’intéressent en particulier. On constate que le linéaire n’est pas fini. Il ne faut pas croire que tout se passe ailleurs. On l’a bien vu dans l’étude de la consommation des médias réalisée par le CSA (MAP) ou encore avec la crise sanitaire. La télévision est toujours bien présente et le public consomme encore le linéaire. Je trouve que les programmes jeunesse et l’éducation permanente sont des matières relativement importantes. On vit une énorme crise actuellement. Une crise qui est sanitaire, environnementale et sociétale et, via l’éducation permanente, via la place des jeunes à l’écran, je pense qu’il y a des enjeux à recréer du tissu social, du tissu sociétal.  L’éducation permanente, c’est favoriser l’émancipation mais dans l’idée d’une citoyenneté active. Pour le moment, on a l’impression que tout le monde reste de son côté et il est important que sur le linéaire, il existe encore de l’éducation permanente, il existe encore des programmes jeunesse car, sur les réseaux sociaux, un débat peut être extrêmement violent, il peut y avoir des dérapages dans tous les sens. Via l’éducation permanente, on a la présence de débats en télévision. Les paroles y sont plus assumées et ont un rôle plus fédérateur par leur ancrage local. Les intervenants sont visibles et ne participent pas dans la discrétion de leur ordinateur. Il y a encore de grands rôles à jouer et c’est fondamental. 

Un autre exemple, lors du premier confinement, les écoles ont été fermées. A peine une semaine après, une télévision locale s’était déjà installée dans une école, avec ses caméras et a commencé à faire de l’école à distance. Ça ne remplace bien évidemment pas un contact direct entre un professeur et son élève qui est absolument nécessaire, mais on a vu une initiative d’un Média de proximité d’abord, relayée par les autres ensuite, pour couvrir finalement tous les élèves de la Fédération Wallonie Bruxelles. Les différents Médias de proximité ont ensuite réalisé leur propre programme s’adressant à d’autres tranches d’âge. La RTBF a eu aussi son propre programme. Ce sont des initiatives qui sont arrivées à un moment où il y avait une urgence et c’est le genre d’initiative qui moi m’enthousiasme. Quand les gens se parlent, ou comme ici quand les enseignants parlent avec le monde de l’audiovisuel afin de favoriser des actions à des moments importants. 

Avant d’arriver au CSA, tu as eu l’occasion de travailler dans de nombreux secteurs d’activités. Qu’est-ce que ce parcours et ces expériences t’ont apporté d’utile pour tes missions au sein du CSA ?  

J’ai effectivement travaillé dans plein de milieux, avec des handicapés mentaux ou encore comme créatif dans une agence de pub. J’ai travaillé aussi pour Amnesty International, à la Sabena, dans une société informatique, dans le dessin animé, et je garde de ce parcours professionnel une conscience et une posture citoyenne. Je suis me pose toujours du côté du citoyen et garde à l’esprit l’auditeur, le téléspectateur, la personne qui surfe sur internet. La vision d’un citoyen et pas d’un consommateur et je le valorise en tant que tel, que ce soit un enfant de 5 ans ou un adulte. Quand je suis arrivé au CSA, on parlait de « consommation » des médias. Ce terme, je l’ai depuis également intégré à mon langage mais l’idée de consommation m’a toujours gêné car je pense que ce n’est pas que ça et il faut rappeler les grands principes aux éditeurs. Je parlais de Tarmac, c’est de la vidéo en ligne, ce sont youtubeurs et cætera mais ce sont des personnes qui ont des valeurs portées par les services publics qui sont des valeurs démocratiques qui sont importantes plus encore aujourd’hui qu’hier.  

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