Mathilde Alet est la Directrice Générale du CSA. Depuis quelques mois, la réorganisation des équipes à distance et des projets ont transformé l’institution. Ce qu’on gardera et ce qu’on ne gardera pas de la crise ? C’est une question que toutes les entreprises se posent pour le moment. On fait le point sur les 6 derniers mois et on se projette un peu dans un futur encore incertain.
6 mois ont passé depuis le début de la crise. En tant que Directrice générale du CSA, comment avez-vous géré cette situation avec les équipes ?
Comme tout le monde, nous avons dû nous adapter très rapidement. Le télétravail est une réalité depuis plusieurs années au CSA, mais à raison d’un jour par semaine. Ici, tout le monde a télétravaillé à temps plein du jour au lendemain ! Pourtant dans l’ensemble cela s’est bien passé : les agent.es du CSA sont habitué.es à travailler en autonomie, ils et elles sont aguerri.es à l’emploi des technologies de communication, et nos missions sont de nature à pouvoir être très largement exécutées dans cette configuration. Les équipes ont montré des capacités extraordinaires à s’adapter et à se réinventer.
Le contenu de notre travail a aussi été impacté. Très rapidement, les équipes ont sondé le secteur pour collecter et relayer les difficultés rencontrées par les médias dans ce contexte de crise. Le CSA coordonne d’ailleurs un groupe de travail sur le sujet au niveau européen, au sein de l’ERGA (groupe européen des régulateurs des services de médias audiovisuels). Les services ont aussi traité de nombreuses demandes, cet été, de fréquences provisoires pour l’organisation d’événements culturels en « drive-in ».
La rentrée sonne différemment cette année. On est encore dans une période incertaine sur le plan sanitaire. Il y a comme une impression de vivre au jour le jour. Vous la partagez ?
Bien sûr ! Chaque fois que nous planifions quelque chose, s’ajoute désormais un « sous réserve » : que l’on puisse organiser à nouveau des réunions en présentiel ; que l’on puisse à nouveau se déplacer etc. Il y a ce dilemme : tablons-nous sur le scénario du pire ou sur une amélioration ? Nous devenons des champion.nes des plans A, B, voire C. Nous devons apprendre à vivre avec ces incertitudes, à gérer les déceptions qu’immanquablement elles génèrent aussi.
Quels sont les expériences positives que vous retiendrez des 6 derniers mois ? Les négatives ?
Ce qui est positif, c’est que nos missions sont menées à bien, nos projets se transforment mais ils se font et ils avancent. C’est aussi l’expérimentation de nouveaux modes de travail : le télétravail intensif, les réunions virtuelles, les webinaires… La crise a donné un vrai coup d’accélérateur sur ces aspects. Les équipes font preuve d’inventivité et d’enthousiasme. Certain.es se sont auto-formé.es à la mise en place d’un webinaire diffusé sur Youtube, dans un temps record et pour un résultat sans faute, c’est impressionnant !
Mais il faut garder à l’esprit que tout cela se fait dans un contexte et en raison d’une crise sanitaire. Elle peut à juste titre susciter des peurs, des inquiétudes, tant sur le plan personnel que professionnel. Pendant le confinement, le mélange de ces deux aspects a pu être lourd à porter, surtout pour celles et ceux qui avaient des enfants à la maison. Je constate aussi le risque, avec le télétravail intensif, de perdre le sens du collectif et l’opportunité de travailler en équipe. Et je déplore la perte de l’informel. Nous disposons de tous les moyens technologiques pour faire circuler l’information, mais pour certaines choses, rien ne vaut les discussions entre deux portes ou autour de la machine à café. À mon sens il sera important, pour la suite, de trouver un juste équilibre : favoriser le bien-être des individus et valoriser le collectif.
Il y avait le CSA avant mars 2020 et un CSA après ? Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
Malheureusement nous ne sommes pas encore dans l’ « après ». La crise est toujours là, même si nous la vivons différemment, avec l’idée de mettre en place des process pérennes. Depuis la rentrée, nous avons pu reprendre à raison de deux jours de présentiel par semaine, ce qui change déjà les dynamiques. Mais je pense clairement qu’il n’y aura pas de « retour à la normale ». Les profonds changements que nous avons vécus, les expérimentations que nous avons lancées doivent nous inspirer pour interroger et adapter nos modes de fonctionnement. Cet été, nous avons lancé un court questionnaire à destination du personnel pour le sonder sur cet « après ». Les résultats sont très nets : 100% des répondant.es sont en demande de plus de télétravail ! Du côté de la direction et du Bureau nous avons décidé de soutenir cette demande en portant une modification en ce sens du règlement de travail. Nous avons aussi envie de poursuivre notre apprentissage des webinaires. Nous allons publier 3 grandes études à l’automne, elles seront toutes présentées en ligne, selon des formes adaptées.