C’est lorsque l’on perd une dimension à laquelle on s’était habitué qu’on réalise l’importance qu’elle pouvait avoir

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La rentrée du CSA, avec Bernardo Herman, Directeur des affaires européennes

6 mois ont passé depuis le début de la crise sanitaire. Qu’est-ce que ça a changé pour vous ? Comment vous êtes-vous réorganisé ?

Deux tendances ont émergé. D’une part, l’annulation ou le report de tous les évènements et autres grands pow-wows qui rythment l’année nous ont plongé dans une sorte de période de glaciation des relations alors que les affaires européennes sont caractérisées par une multitude de contacts formels et informels, dans le cadre de conférences, de réunions et d’autres rencontres bilatérales. Sans surprise, cette forme de traversée en solitaire de la banquise s’est révélée très préjudiciable à la fluidité des relations, à la compréhension mutuelle et à la qualité de l’information qu’on s’échange entre régulateurs, représentants du secteur et décideurs institutionnels. D’autre part et sans doute par réaction, le nombre de vidéo-conférences a massivement augmenté quand bien même nous avons tous pu constater que la communication virtuelle ne compense pas du tout la richesse de la communication en face-à-face. Toutefois, la conscience de cette différence alliée au sentiment de vivre ensemble une épreuve qui nous touche tous personnellement a peut- être contribué à sensibiliser certains à l’importance de ces contacts en présentiel et à la nécessité d’amplifier encore la solidarité européenne.

En termes de volume de travail, la masse n’a pas faibli, que du contraire, vu qu’aucun vecteur de travail au niveau de l’ERGA, le groupe européen des régulateurs de l’audiovisuel, n’a été suspendu ou postposé. La Commission européenne de son côté a lancé une série de consultations cruciales pour le secteur auxquelles nous avons eu le privilège de contribuer également. En outre, comme Vice-président de ce groupe, le CSA a reçu la mission de piloter un groupe d’experts européens qui évalue l’impact de la crise sur le secteur audiovisuel.

Quels sont les expériences positives que vous retiendrez des 6 derniers mois ? Les négatives ?

Comme souvent, c’est lorsqu’on perd une dimension à laquelle on s’était habitué qu’on réalise concrètement l’importance qu’elle peut avoir. La crise a ouvert les yeux de certains sur leur attachement à certaines formes d’échanges. Dans le même temps – est-ce une conséquence du tout au virtuel ? – le discours en faveur d’une protection identique des citoyen.ne.s dans le monde en ligne par rapport au monde hors ligne a gagné en légitimité. De revendication portée par une poignée de régulateurs, la nécessité de protéger davantage sur le net les valeurs fondamentales qui caractérisent l’Union est devenue une évidence absolue pour la grande majorité de ceux-ci. Alors que le cyber harcèlement et la désinformation menaçant la démocratie notamment étaient vus par certains comme une fatalité, ces comportements sont devenus insupportables, ce qui a encouragé les régulateurs et législateurs à réclamer des solutions plus efficaces et plus radicales.

Votre regard sur le secteur audiovisuel européen depuis la crise ? Qu’est ce qui a changé ? A quoi faut-il s’attendre dans les mois à venir ?

L’impact économique de la crise menace la poursuite des activités de certains acteurs sur le marché, ce qui risque d’affecter le pluralisme de notre secteur, soit un enjeu démocratique capital. Des entreprises seront amenées à réinventer leurs modèles d’affaires, d’autres ne bénéficieront pas de la même agilité. C’est pour trouver ensemble des solutions à ce contexte compliqué que le CSA a initié un dialogue avec le secteur tant au niveau national qu’européen.

Septembre, c’est le moment de se projeter jusqu’aux portes de 2021. Qu’est-ce qui vous attend d’ici là ?

Au niveau de l’ERGA, le CSA va poursuivre son travail de renforcement et d’approfondissement de la coopération entre autorités nationales de régulation afin de faciliter la mise en œuvre du cadre réglementaire qui doit s’appliquer tant aux plateformes de partage de vidéos qu’aux acteurs médias traditionnels. Dans la même perspective, nous accompagnerons la Commission européenne dans la préparation du futur « acte sur les services numériques », le Digital Services Act. On attend de ce nouveau cadre réglementaire qu’il accélère la mise en place par les plateformes de systèmes de protection « by design » des citoyens, soit des mesures préventives réduisant le risque de propagation de la désinformation et de contenus illégaux.

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