“ Les pouvoirs publics doivent impérativement revoir leurs mécanismes d’aide aux radios indépendantes. ”

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Les réponses d’Olivier Moinnet, trésorier et responsable commercial de Up Radio 

Comment voyez-vous le rôle de votre média dans cette période de crise ? Notamment vis-à-vis de vos publics cible ? 

Comme toutes les radios indépendantes à couverture limitée, nous venons en renfort des autres médias. Notre cible est par essence locale. En cette période de confinement, nous nous voyons comme des relais des autorités. Nous diffusons les messages classiques de prévoyance et nous renforçons ceux-ci en insistant lors de nos émissions et programmes internes. Nous voyons notre audience augmenter sensiblement tout en voyant nos revenus chuter drastiquement. 

Quels sont les principaux impacts de la crise sanitaire actuelle sur l’organisation de votre média et son fonctionnement quotidien techniquement et humainement ? 

L’organisation interne d’une radio indépendante locale ressemble déjà beaucoup à un certain confinement. Notre organisation ne s’en trouve pas fortement modifiée si ce n’est que les réunions du conseil d’administration ne se tiennent plus physiquement. Chacun œuvre de son côté et espère que nous disposerons d’assez de finances pour tenir jusqu’à la reprise économique.   

Cela a-t-il eu des répercussions sur la programmation ? 

Certaines émissions où nous avions des invités et du public ne peuvent plus se tenir mais, en radio, c’est assez anecdotique. 

Après un mois, quels sont les conséquences économiques et les relations avec les annonceurs ? 

Nous avons deux cas de figure. Certains annonceurs nous demandent d’arrêter la diffusion de leurs publicités afin de ne pas créer de confusion dans l’esprit de leurs clients, eux-mêmes interdits de fréquenter lesdits commerces. Et nous avons d’autres annonceurs qui nous informent déjà de l’impossibilité de reconduire leurs contrats. Si le déconfinement est lent et si la reprise économique l’est tout autant, ce sera un carnage au sein des petites radios indépendantes telles que les nôtres. 

Avez-vous pris des initiatives exceptionnelles depuis le début du confinement ?  

Nous avons décidé d’interrompre tous les contrats publicitaires en cours en termes de paiement mais pas de diffusion. Les spots passent toujours mais ils ne sont pas facturés. En soutenant de la sorte nos annonceurs, nous espérons les fidéliser pour qu’ils puissent, lorsque la conjoncture sera meilleure, poursuivre leur collaboration avec nos radios. La question principale demeure : à venir en aide aux commerçants sans que ceux-ci ne soient en mesure de nous soutenir financièrement en retour, serons-nous capables de nous sauver nous-mêmes. C’est probablement l’enjeu crucial de toutes les petites radios indépendantes. 

Avez-vous constaté des effets sur les auditeurs et leurs besoins ? 

Notre taille ne nous permet pas de disposer de chiffres relatifs à nos audiences mais, via toute une série de recoupements, nous pensons que notre audience est en croissance. Elle ne nous a par contre que très peu sollicités par rapport à des demandes particulières. On dirait que la population, malgré le confinement à domicile, est entrée en profonde léthargie, ce qui n’est pas pour nous déplaire quand on sait que notre staff composé exclusivement de bénévoles est lui-même mis sous pression suite au confinement. 

Comment envisagez-vous la sortie de crise ? 

Nous ne sommes pas encore certains de pouvoir sortir de cette crise par le haut. Notre trésorerie pour l’année 2020 sera épuisée d’ici un mois et demi. Il nous faudra alors redoubler d’efforts pour faire survivre notre outil. Avec l’arrivée souhaitée du DAB+ très prochainement, nous devrons désormais opérer des choix. Cette crise, qu’on le veuille ou pas, profitera in fine aux grands groupes qui renforceront leur position dominante au détriment des petites structures comme la nôtre. Il est désormais clair que les pouvoirs publics doivent impérativement et rapidement revoir complètement leurs mécanismes d’aide aux radios indépendantes.  

Nous sommes un véritable soutien à l’économie locale, aux petits commerçants, eux-mêmes fragilisés par des grands groupes qui tentent aussi de les asphyxier. L’avenir de notre secteur doit passer par un soutien direct aux radios indépendantes, en échange bien évidemment d’un accompagnement au quotidien des petits commerçants locaux. Actuellement, certaines petites radios indépendantes se voient offrir un pont d’or pour faire du remplissage d’antenne alors que les radios indépendantes moins volubiles croulent sous les factures et obligations diverses. Cette crise imposera immanquablement une redistribution des cartes, faute de quoi nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer.

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