Les réponses de Noël Magis, Managing Director de screen.brussels fund asbl
Comment voyez-vous le rôle de votre société dans cette période de crise ? Notamment vis-à-vis de vos publics cible ?
En tant que structure d’accompagnement de la filière audiovisuelle bruxelloise, notre objectif principal est de tenter d’amortir – dans la mesure de tous nos moyens disponibles – les impacts de cette crise sur le secteur média et audiovisuel bruxellois. Afin de cibler et de gérer les priorités de nos initiatives, screen.brussels et hub.brussels ont mené une enquête d’impact du 27 au 31 mars 2020.
Le traitement des données concernant le secteur économique en général a été confié à la cellule Recherche et Développement de hub.brussels tandis que l’analyse des données spécifiques à l’audiovisuel a été réalisée par les 4 composantes de screen.brussels : screen.brussels film commission / visit.brusssels, pour les matières liées à l’organisation des tournages ; screen.brussels cluster / hub.brussels pour les matières liées à l’accompagnement des entreprises ; screen.brussels fund asbl pout toutes les matières liées au financement des contenus et enfin screen.brussels business / finance & invest.brussels pour toutes les matières liées au financement des entreprises.
Les résultats de cette enquête nous ont permis de nourrir une note de synthèse qui se veut force de proposition quant aux mesures de soutien et de relance à mettre en œuvre en vue d’amortir l’impact de cette crise sur le secteur audiovisuel bruxellois. Cette note a été transmise à nos Cabinets de tutelle.
Certaines des demandes formulées par les entreprises répondantes nécessitent toutefois des interventions qui émanent des autres niveaux de pouvoir compétent en matière audiovisuel (fédéral, communautaires ou communal) et elles ont été relayées comme telles.
À cet égard, la mise en place d’un task-force réunissant les différents niveaux de pouvoir et parties prenantes serait plus que souhaitable, singulièrement en Région de Bruxelles-Capitale où la filière audiovisuelle est en interdépendance avec les dispositifs mis en place par les deux Communautés et le Fédéral.
screen.brussels se positionne donc plus que jamais comme la plateforme régionale dédiée à l’accompagnement et au financement de la filière média et audiovisuelle qui pèse plus de 15 000 emplois en Région de Bruxelles-Capitale.
Quels sont les principaux impacts de la crise sanitaire actuelle sur l’organisation de votre société et son fonctionnement quotidien ?
Les équipes de nos quatre entités se sont naturellement mises immédiatement en télétravail. Nos organisations étant situées sur 4 sites différents, nous avions l’habitude de nous rencontrer toutes les deux semaines pour nous coordonner sur nos plans d’actions et sur la communication. Depuis le 13 mars, ces réunions se font par vidéoconférence mais à un rythme forcément beaucoup plus soutenu étant donné les nombreuses urgences et les problèmes à traiter. En ce qui concerne plus spécifiquement le screen.brussels fund dont je suis en charge, les rencontres avec les producteurs qui nous présentent leurs projets (la session de juin est bien évidemment maintenue) se font aussi en vidéoconférence en utilisant les solutions classiques comme Skype, Zoom, Google Meet, mais aussi Facebook ou Whatsapp et même la bonne veille conférence téléphonique. Depuis janvier 2019, les remises de dossiers se font de toute façon via une plateforme en ligne et ma petite équipe est déjà rompue aux modalités du télétravail puisqu’il était déjà en vigueur un à deux jours par semaine depuis la création de la société. Je dirais donc qu’à ce niveau c’est « business as (presque) usual »
Il faut toutefois reconnaitre que les réunions en vidéoconférence ont certaines limites et qu’elles ne peuvent pas totalement compenser les avantages qu’offrent les réunions en présentiel : communication non-verbales, échanges à plusieurs voix, échanges informels avant ou après les réunions, convivialité etc.
Probablement allons-nous désormais mieux ventiler nos interactions entre réunions en vidéo conférence et les réunions en présentiel en fonction des enjeux et des résultats attendus de ces réunions. The medium is the message, la phrase emblématique que le sociologue des media canadien Marshall Mac Luhan a prononcée en 1964 est plus que jamais d’actualité.
Avez-vous pris des initiatives exceptionnelles ? Nouveautés ?
En plus de la note quant aux mesures de soutien et de relance que j’ai déjà évoqué, nous avons également crée un fil d’info Covid 19 sur notre site (NDLR : à consulter ici :https://screen.brussels/fr/fund-cluster-film-commission-business/actualite/fil-info-covid-19-et-le-secteur-audiovisuel).
Constamment mis à jour et disponible en français, néerlandais et anglais, cette rubrique de notre site éditorialiste et synthétise un maximum d’informations disponibles sur les dispositifs mis en place par les différents niveaux de pouvoir, en commençant par le service 1819 de la Région de Bruxelles-Capitale, pour faire face à cette crise sans précédent.
En concertation avec Screen Flanders, Wallimage, les associations de producteurs VOFTP et UPFF ainsi que Mediarte, nous travaillons également sur un protocole visant à organiser la reprise des tournages en Belgique.
Avez-vous constaté des effets sur votre public cible et ses besoins ?
Sans surprise, les résultats de nos consultations ont confirmé que les premiers impacts de la crise sanitaire pour la filière audiovisuelle étaient les suivants :
- arrêts ou annulation des tournages, des productions belges et des co-productions internationales ;
- annulation des commandes dans le secteur des films d’entreprises, publicitaires et institutionnels ;
- fermeture des cinémas, des lieux de diffusion et annulation des événements grands publics (festivals) en Belgique et à l’étranger ;
- annulation des évènements professionnels (vente, achat, coproduction) en Belgique et à l’étranger ;
- impossibilité de maintenir une distanciation sociale sur la plupart des lieux de travail : plateaux de tournages, studios d’enregistrement, de post-production et d’animation, sociétés de production …)
- complexité du télétravail dans de nombreux métiers de l’audiovisuel
Les conséquences économiques et organisationnelles qui en découlent sont les suivantes :
- plus aucune rentrée financière et impact direct sur la trésorerie
- perte brutale du chiffre d’affaires
- impossibilité pour les entreprises du secteur audiovisuel de bénéficier de l’indemnité de 4 000 € mise en place par la Région de Bruxelles-Capitale.
- impossibilité pour les travailleurs dont le statut est lié aux modes de travail par intermittence de bénéficier des mesures d’urgences telles que le chômage temporaire ou le droit de passerelle et donc augmentation de la précarité d’un public déjà fragile avant la crise
- de gros retards et des annulations sont à prévoir dans le développement des projets en cours engendrant
- à nouveau des problèmes de trésorerie
- des difficultés attendues dans le respect d’échéances contractuelles: fonds d’investissements, tax-shelter, diffuseurs…
- difficultés attendues dans le respect des engagements en matière de dépenses régionales (pour les projets soutenus par screen.brussels fund)
- un engorgement des projets lors de la reprise (même si elle est progressive)
- problème de délais dans le traitement des autorisations de tournage
- problème de disponibilité de main d’œuvre pour reconstituer les équipes adéquates
- last but not least, une grave récession économique s’annonce, impactant très sévèrement les levées de fonds tax-shelter en 2020 et 2021. Cette récession économique va également mettre sous extrême tension les finances des entités fédérées mais aussi des diffuseurs qui interviennent dans le secteur audiovisuel.
Comment envisagez-vous la sortie de crise ?
La reprise sera graduelle et forcément tributaire de l’évolution de la crise sanitaire et des mesures de déconfinement prises en Belgique mais aussi dans les autres pays européens avec lesquels nous sommes en interaction.
La crise économique et sociale qui va suivre va générer des impacts considérables sur la filière et ce durant de nombreux mois pour ne pas dire années, certains paradigmes vont changer, les mécanismes de financement publics vont être sous tensions, les modes de consommation des contenus vont évoluer… c’est la raison pour laquelle je plaide pour mettre en en place une stratégie de relance à long terme qui soit coordonnée avec l’ensemble des organisations qui interviennent dans le financement et la diffusion des contenus audiovisuels en Belgique et en Europe. Terminons par une note optimiste, ce sera très difficile mais cette crise peut aussi être une incroyable opportunité !