Les réponses de Sandrine Tichon, Directrice des Ressources Humaines de BX1, Stéphanie Meyer, Rédactrice en Chef adjointe de BX1 et Marc de Haan, Directeur Général de BX1
Comment voyez-vous le rôle de votre média dans cette période de crise ? Notamment vis-à-vis de vos auditeurs ?
Marc de HAAN : En fait, notre rôle n’est pas fondamentalement différent, mais je dirais qu’en période de crise, il prend une dimension plus importante encore, voire essentielle. Notre mission première est d’informer, dire les choses comme elles sont tout en donnant des clés de compréhension et d’analyse, mais aussi contribuer à la cohésion sociale et la dynamique collective.
Face à la menace du COVID19, il s’agit de soutenir les citoyens dans l’épreuve qu’ils traversent en favorisant les liens de solidarité, en les soutenant dans leur travail quotidien, et en les divertissant. La notion de public cible est peu pertinente : en tant que service public BX1 est le média de tous, certes les Bruxellois en priorité, mais pas exclusivement, nous avons en particulier une bonne audience dans le Brabant Wallon.
Quels sont les principaux impacts de la crise sanitaire actuelle sur l’organisation de votre média et son fonctionnement quotidien, tant techniquement qu’humainement ?
Sandrine TICHON : Du point de vue des ressources humaines, le premier impact et de loin le plus important a été d’assurer la sécurité des salariés en mettant à disposition du gel hydroalcoolique et des masques (ce qui reste un défi permanent), en effectuant une désinfection des postes de travail et du bâtiment, et en faisant en sorte que tout le monde respecte les mesures de protection. La distanciation n’est pas toujours évidente, par exemple il faut permettre aux équipes de terrain d’utiliser des voitures individuelles désinfectées après chaque tournage. Des plexiglas ont été placés dans les endroits où on ne savait pas éloigner les employés, par exemple en régie. Nous avons déployé la vidéoconférence et le télétravail pour toutes les fonctions qui s’y prêtaient en les équipant d’un PC portable et des applications nécessaires.
Une fois les mesures d’urgence prises, l’aspect humain a été analysé dans son ensemble comme l’organisation de travail, les formations, le recrutement, l’équilibre vie privée / vie professionnelle. Faire des reportages sur le terrain en cette période rend le travail journalistique encore plus difficile et anxiogène. Un système de rotation entre nos médias a été mis en place afin de permettre à un journaliste de faire aussi bien du terrain que de l’écriture d’article pour le web ou des flashs pour la radio. Cette crise qui génère une baisse de notre production entraine aussi une diminution du travail d’une partie de notre personnel. Afin de transformer cette contrainte en opportunité, nous leur avons proposé des formations en ligne.
Notre personnel est à chaque étape au centre de notre réflexion, nous ne pouvions pas ignorer que l’organisation de vie des parents allait fortement être impactée. De ce fait, des mesures exceptionnelles ont été prises en offrant des jours de congé supplémentaires pour circonstance familiale. L’autre impact non négligeable de cette crise est la diminution des prestations des pigistes. Une décision a été prise dans un esprit de solidarité : toutes les piges qui étaient programmées du mois de mars et qui n’ont pas pu être prestées ont été payées. Enfin, ce qui nous semble primordial dans la gestion quotidienne est de faire corps, de garder le lien avec les équipes. Nous avons un middle-management très présent, et la direction rencontre chaque semaine la délégation syndicale pour garder un dialogue social efficace.
Cela a-t-il eu des répercussions sur la programmation ?
Stéphanie MEYER : La volonté de limiter le nombre de personnes présentes physiquement à BX1 a entraîné une modification importante de la programmation. La production propre en télévision est passée d’environ de 4h quotidiennes à 1h30, avant de remonter très progressivement jusqu’à plus de 2 h. En radio, elle a chuté de 7h à 1h, entendu que la programmation musicale est maintenue. La priorité a été donnée à l’information « chaude » pour répondre à l’attente du public. Dans un premier temps, tous les magazines ont été suspendus pour une période indéfinie. Nous n’avons conservé que la partie « actualité » de la tranche du midi. La durée du journal de 18 h est restée constante mais sa production a été légèrement modifiée afin de permettre aux équipes sur le terrain de prendre le temps nécessaire à l’établissement des mesures de sécurité. Par contre, nous avons dû allonger certains journaux du week-end afin de suivre l’actualité.
Dans un deuxième temps et progressivement, de nouveaux formats ont été testés, que ce soit en télévision ou sur le web et les réseaux sociaux. « Les Bonus de BX1 » sont des émissions courtes, réalisées à domicile, basées sur des interviews faites à distance, ainsi que des images d’archive ou des vidéos envoyées par différents interlocuteurs. Ces Bonus sont des déclinaisons de nos émissions magazine suspendues, portant sur les thèmes comme le sport, la culture, les nouvelles tendances de vie, l’économie, etc. Ces productions atypiques sont évolutives puisqu’elles inaugurent une nouvelle manière de travailler.
Après un mois, quelles sont les conséquences économiques et les relations avec les annonceurs ?
Marc de HAAN : Nous avons vu une chute très nette de nos recettes publicitaires, avec des campagnes annulées ou reportées, et la difficulté de conclure de nouvelles ventes. Nous avons pensé que le fait que les annonceurs n’investissent plus ne signifie pas qu’ils n’aient plus besoin de communication, au contraire : il faut préparer la reprise et maintenir sa notoriété. Afin de les soutenir, nous leur avons donc proposé la gratuité jusqu’à fin mai et cette initiative rencontre un grand succès. La relative diminution des charges ne compense pas la perte des recettes, la clôture de l’exercice 2020 s’annonce donc compliquée, mais en tant que service public, BX1 ne court pas de danger vital à court terme.
Nous sommes plus inquiets pour 2021 et 2022, car les finances publiques sont soumises à très rude épreuve. En outre, le calcul de notre subvention étant lié au volume de production propre, sa réduction à cause du confinement risque d’avoir un effet pervers sur la hauteur de nos subsides. Nous demandons donc aux gouvernements concernés de geler la période de la crise sanitaire pour le calcul.
Avez-vous pris des initiatives exceptionnelles pendant le confinement ?
Stéphanie MEYER : Nous avons lancé des formats courts pour répondre à l’actualité atypique du moment. Le premier est « Brussels Helps », qui met un coup de projecteur sur les activités positives des personnes confinées, grâce à un envoi de vidéos de téléspectateurs. Ensuite, « L’École à la Maison », en partenariat avec No Télé pour le primaire, et sur Bruxelles nous proposons aux élèves du 1er degré du secondaire de suivre des révisions en vue du CE1D. Quant à « Ma ville, mon quartier », elle part à la découverte de différents coins d’un Bruxelles confiné à travers le regard de ses habitants. Une émission de 26 minutes vient d’être lancée avec l’aide de la CoCoF : « La Guinguette de BX1 », présentée par Jean-Charles De Keyser et destinée en priorité au public des maisons de repos en manque de lien social. Nous avons par ailleurs retransmis les réunions des parlements régional et francophone bruxellois. D’autres projets pourraient encore voir le jour au fil des semaines. D’abord frustrant par la baisse de production engendrée, le confinement nous a finalement poussé à développer une programmation complémentaire originale.
Avez-vous constaté des effets de la crise sur les auditeurs et leurs besoins ?
Marc de HAAN : Depuis le début de la crise notre audience a très nettement augmenté, avec des pics exceptionnels autour de chaque phase de communication du CNS. Cela ne nous étonne pas : nous avions constaté des effets semblables lors des événements terroristes et le lockdown qui a suivi. On peut se réjouir en constatant qu’en situation de crise le public recourt à l’information produite par des professionnels avec de hauts standards déontologiques. Mais je crains que la production de fake-news soit tout autant à la fête… Quant aux demandes du public, effectivement elles sont beaucoup plus nombreuses, d’autant que BX1 est un média de proximité, les chances d’avoir une réponse et un impact sont plus grandes. Du reste, nous les sollicitons également, car nous pouvons aider ceux qui aident.
Comment envisagez-vous la sortie de crise ?
Marc de HAAN : Dans une crise les moments les plus difficiles sont le début et la fin, entre les deux BX1 a pu recréer une forme de normalité, pénible mais soutenable. Je crains que nous soyons amenés à recommencer à produire, avec les coûts afférents, avant que les recettes reviennent à la normale, ce qui aurait pour effet d’aggraver le déficit. Nous allons donc certainement revenir à une programmation complète progressivement. Je retiendrai de cette épreuve deux enseignements. Le premier, c’est que l’équipe de BX1 est épatante de courage, de professionnalisme et d’endurance. Le second, c’est que, comme il ne nous est pas encore permis de diffuser BX1+ autrement que sur le web, les Bruxellois ont été totalement privés d’une radio régionale en français durant cette crise où elle aurait pourtant été extrêmement utile. J’espère que cette leçon fera bouger les choses.