Trois études sur l’égalité de genre dans les médias seront publiées en 2020 par le CSA

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Avec Joëlle Desterbecq (Directrice des Etudes et Recherches) et Camille Laville (Conseillère au Service Etudes et Recherches).  

D’ici quelques mois, le CSA proposera de faire le point sur les questions d’égalité de genre dans les médias : trois études passeront au crible cette question. L’occasion de revenir sur le travail mené depuis plusieurs années par le Service Etudes et Recherches du CSA.   

Depuis quelques années, le CSA s’engage de plus en plus sur les matières liées à l’égalité des genres dans les médias. Quel est l’historique de cet engagement ?  

Joëlle Desterbecq : L’intérêt du CSA pour les questions de diversité et d’égalité n’est pas neuf. En 2006 le Gouvernement de la Communauté française avait déjà sollicité l’avis du Collège d’avis du CSA (instance de co-régulation) sur la « présence et la représentation des personnes d’origine étrangère dans les médias » ainsi que sur « la présence et la représentation des femmes dans les services de radiodiffusion ». A l’issue de ces travaux, le Collège d’avis attirait l’attention sur les enjeux de la présence des différentes composantes de la société dans les professions et représentations audiovisuelles. Le Collège d’avis soulignait également le manque d’études empiriques en Fédération Wallonie-Bruxelles qui permettraient d’objectiver la situation des médias sur ces enjeux. Il recommandait donc de lancer des programmes de recherche sur ces questions.  

Les premières études du CSA sur le sujet ont été lancées en 2010. Dans un premier temps, elles se sont inscrites au sein du Plan pour la diversité et l’égalité dans les médias audiovisuels qui avait été lancé par la ministre de la Culture, de l’Audiovisuel et de l’Égalité des chances de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les trois premières éditions du Baromètre ont été réalisées dans ce cadre.  

Camille Laville : Depuis juin 2016 le Baromètre est une mission décrétale du CSA, en tout cas pour ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes. Toutefois, comme nous sommes convaincus de l’utilité sociale de ce Baromètre (qui participe à mettre la question de la diversité et de l’égalité à l’agenda des politiques publiques, de la régulation audiovisuelle et des médias) nous poursuivons l’analyse des cinq variables de la diversité au-delà de nos obligations décrétales en matière d’égalité femme-homme. Quatre éditions du Baromètre ont désormais été publiées. Elles portent sur les services télévisuels. Une étude est actuellement en cours de réalisation sur les services radiophoniques. Elle sera publiée courant 2020. Elle sera accompagnée d’une autre recherche qui se penche cette fois sur le genre derrière la caméra, c’est-à-dire dans les métiers de l’audiovisuel et les ressources humaines des SMA.   

La question de l’égalité de genre dans les médias audiovisuels s’inscrit aussi dans une dynamique internationale. Ainsi, en 2017 dans le cadre d’un projet de coopération internationale entre la Tunisie et la Fédération Wallonie-Bruxelles nous avons réalisé, en partenariat avec la Haute Autorité Indépendante de la Communication audiovisuelle (HAICA), une recherche relative à la place et à la représentation des femmes dans les fictions télévisuelles. La question de l’égalité de genre est aussi au cœur du volet études et recherche du jumelage entre le CSA et la HAICA. Enfin, en 2019 le CSA a présidé le groupe de travail gender diversity de l’ERGA, la plateforme des régulateurs européens de services de médias audiovisuels.  

Quelles sont les conclusions que vous tirez aujourd’hui des différentes observations du CSA sur la question de la place et de la représentation des femmes dans les médias ?   

Joëlle Desterbecq : L’égalité entre les femmes et les hommes est donc une thématique sur laquelle plusieurs projets de recherche ont porté. Les méthodologies de ces recherches sont différentes et leurs résultats sont nuancés. Néanmoins, un constat apparaît de manière transversale : il y a un déséquilibre entre les représentations des hommes et des femmes à l’écran tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Ainsi, de 2011 à 2017, les Baromètres ont montré que les femmes sont sous-représentées à l’écran, qu’elles sont plus fréquemment représentées dans des rôles de « vox populi » (quidam, témoin, expérience personnelle) que de porte-parole ou d’expertes ou encore qu’elles sont moins fréquemment présentées avec leurs mentions identitaires (nom, prénom, profession) que les hommes.  

Des évolutions sont apparues et elles se sont affirmées au fil du temps. Il n’y a pas de bouleversements mais plutôt des progressions qui se mesurent en « saut de puces ». En même temps, nous sommes marqué.e.s par la récurrence de certains constats qui persistent au fur et à mesure des analyses.  

Pour la première fois, le CSA a aussi étudié dans son baromètre la publicité sous l’angle de l’égalité des genres. Que peut-on dire de la publicité ?  

Camille Laville : Oui, pour la première fois en 2017 le Baromètre du CSA a intégré une analyse de la communication commerciale sous l’angle de la représentation des genres. On s’est posé la question de savoir si un rôle social est « assigné » aux personnages de la communication commerciale en fonction de leur sexe. Et s’il existe dès lors des stéréotypes de genre mais aussi d’éventuelles reconfigurations dans la représentation des identités de genre ? Nous avons développé une grille d’analyse spécifique pour ce second versant du Baromètre et déployé une étude approfondie sur un corpus plus restreint. 

Ainsi, on remarque que les femmes sont plus souvent présentes que les hommes dans des publicités pour des produits de soin et de beauté, de mode, pharmaceutiques et parapharmaceutiques ou encore ménagers. Les hommes apparaissent davantage dans les publicités de transport, de produits informatiques ou de promotion événementielle. Par ailleurs, les femmes semblent particulièrement victimes d’une certaine tendance au « jeunisme ». On observe également que la communication commerciale tend à assigner aux femmes et aux hommes un rôle et des occupations correspondant soi-disant à leur genre. Ainsi, les hommes sont davantage montrés comme des personnes actives, professionnelles, et tournées vers des activités physiques et créatives tandis que les femmes sont plutôt représentées dans des activités plus passives et tournées vers le soin et le foyer (soin de soi, des enfants, d’autrui…). 

Pour le CSA, il semblait primordial que l’industrie publicitaire prenne conscience des représentations qu’elle diffuse et du rôle qu’elle joue auprès du public. C’est pourquoi les résultats du Baromètre ont été présentés au secteur publicitaire. Le dialogue a été constructif. Il a amené les partenaires à réfléchir ensemble sur les initiatives à mettre concrètement en œuvre. C’est dans ce cadre que l’Union belge des annonceurs (UBA), a publié en janvier 2019, en collaboration avec le CSA, une charte pour des publicités sans stéréotypes intitulée « Unstereotype Communication ». Cette charte vise à favoriser la diversité́ et l’inclusion dans la publicité́ de manière à présenter des images et des récits représentatifs de la société actuelle et éviter les stéréotypes. Cette collaboration avec l’UBA illustre la volonté du CSA de collaborer avec les acteurs du secteur pour promouvoir une meilleure égalité des genres.  

Au-delà des enjeux que vous soulevez, que faut-il faire maintenant, concrètement ? Le CSA a-t-il déjà mis en place certaines choses ?  

Joëlle Desterbecq : Les Baromètres des programmes, de la communication commerciale, les analyses portant sur la fiction télévisuelle et celles sur les métiers de l’audiovisuel montrent que la réflexion est globale. En effet, se pose la question de savoir qui est représenté à l’écran et comment ? Mais aussi qui est derrière la caméra ? Qui occupe les postes à responsabilité ? Qu’en est-il des œuvres audiovisuelles financées par des fonds publics ? Qu’en est-il de la formation des futur.e.s professionnel.le.s des médias ? etc. Il convient de faire porter la réflexion sur le genre et, au-delà, sur la diversité, sur l’ensemble de la chaîne de production-diffusion audiovisuelle. 

Dans cette optique, une formation aux stéréotypes dans la publicité et/ou dans les programmes a été proposée par les services du CSA aux étudiant.e.s de plusieurs Hautes Ecoles et Universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2019 et 2020. Il s’agit de faire connaître les missions du CSA, plus spécifiquement sur les questions d’égalité et de diversité, d’exposer le travail du Secrétariat d’instruction sur ces matières (la législation, le traitement des plaintes, les décisions) et les résultats des Baromètres. La formation propose aussi de revenir sur des concepts théoriques : genre, stéréotypes de genre, sexisme, atteinte à l’égalité, discrimination, liberté d’expression … et d’interagir sur des exemples audiovisuels concrets.  

Les résultats du Baromètre ont également été présentés au secteur publicitaire, ce qui a conduit à une collaboration avec l’UBA comme nous l’avons expliqué. 

Enfin, l’analyse des pratiques de toute la chaîne de production-diffusion audiovisuelle était également au cœur des travaux du groupe « Gender diversity » de l’ERGA (European Regulators Group for Audiovisual Media Services), présidé par le CSA. L’objectif de ce groupe – qui a déployé ses travaux en 2019 – était de recenser toutes les pratiques développées dans l’industrie audiovisuelle européenne pour promouvoir l’égalité de genre devant et derrière la caméra : les services de médias audiovisuels linéaires et non linéaires, l’industrie du film et du cinéma, le secteur publicitaire, etc. Toutes ces pratiques ont été compilées dans un rapport visant à partager la pluralité des méthodes existantes pour parvenir à une meilleure appréhension de l’égalité de genre et proposer des recommandations. 

Nous souhaitons poursuivre nos recherches et nos actions pour promouvoir une meilleure égalité des genres, en y associant l’ensemble de la chaine de production-diffusion audiovisuelle.  

Le CSA n’a pas fini de traiter la question de l’égalité des genres dans les médias. Quelles sont les projets à venir en matière d’études et recherches ?  

Camille Laville : Courant 2020, deux Baromètres et une recherche portant sur l’égalité des genres dans les médias seront publiées par le CSA.  

Alors que les précédentes éditions du Baromètre ont porté sur les services télévisuels, le CSA a mis en œuvre cette année un double Baromètre dédié aux programmes radio. Il comporte deux versants : l’analyse des programmes et de la communication commerciale.  

Par ailleurs, nous avons mené durant les derniers mois une recherche sur l’égalité des genres au sein des métiers de l’audiovisuel et des ressources humaines des services de médias audiovisuels. Il s’agit d’une recherche de grande ampleur fondée sur plusieurs terrains et trois méthodologies d’analyses complémentaires. 

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