Le CSA a clôturé en septembre 2019 une importante consultation publique sur un projet de décision relatif aux « tarifs de gros » qui s’appliqueront aux câblo-opérateurs puissants sur le marché. Les commentaires reçus ont, depuis, été analysés et le projet de décision doit être adopté prochainement, au terme du processus prévu par le cadre légal. Décodage avec Samy Carrere, et Olivier Hermanns.
Parmi les dossiers majeurs de 2020 pour le CSA, il en est un qui a marqué les années précédentes et a un impact pour le secteur de la distribution de services de médias audiovisuels et, plus généralement, des télécoms. Je pense à l’analyse du marché de la radiodiffusion télévisuelle. Quelle est sa signification pour le monde de la distribution ?
Olivier Hermanns (O.H.) : Le 29 juin 2018, la Conférence des régulateurs du secteur des communications électroniques (CRC), un organe de coopération dont le CSA est partie intégrante, a adopté plusieurs décisions visant à ouvrir la voie vers plus de concurrence sur les marchés de l’Internet haut débit et de la radiodiffusion télévisuelle, tout en veillant à assurer un équilibre avec la stimulation des investissements dans ces secteurs.
Samy Carrere (S.C) : À cet effet, la CRC a notamment décidé de maintenir l’obligation d’accès aux réseaux de Proximus, Telenet, Brutélé et VOO SA (ex-Nethys) au bénéfice des opérateurs ne disposant pas d’un réseau fixe. L’objectif étant de stimuler le développement d’une concurrence effective pour l’Internet haut débit, la télévision et les « packs » (offres groupées incluant l’Internet, la TV ou encore la téléphonie fixe ou mobile). Cette obligation avait été imposée dès 2011 aux opérateurs dont la CRC avait estimé qu’ils disposaient d’une position de puissance sur le marché.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette obligation, la CRC a notamment imposé à ces opérateurs de pratiquer, à l’égard des opérateurs bénéficiaires du droit d’accès, des prix équitables pour leurs services. Encore faut-il vérifier que cela soit respecté en pratique. C’est dans cette phase de mise en œuvre concrète de l’analyse de marché que nous nous trouvons actuellement.
C’est donc dans ce contexte que vous avez mené une consultation publique, qui s’est achevée en septembre 2019, autour d’un projet de décision relatif au tarif de gros pour l’accès aux réseaux des câblo-opérateurs. Concrètement, de quoi s’agit-il ?
O.H. : Comme l’a souligné Samy, les régulateurs doivent garantir que les tarifs de gros des opérateurs reconnus comme puissants sur le marché sont équitables, de manière à ce que les opérateurs alternatifs qui veulent obtenir un accès à une infrastructure câblée puissent se le permettre, tout en assurant aux opérateurs reconnus comme puissants sur le marché une rétribution adéquate pour les services de gros qu’ils prestent.
Pour calculer ces prix équitables, un modèle de coûts a été développé avec l’aide d’un consultant spécialisé. Le modèle se fonde sur les coûts d’un opérateur efficace, c’est-à-dire au fond sur une situation théorique, tout en tenant compte des caractéristiques propres à chaque opérateur.
S.C. : Ces coûts ont ensuite été traduits dans une structure tarifaire détaillée (ligne d’accès, service Internet, télévision). C’est cela l’objet du projet de décision tarifaire dont le processus d’adoption est en cours.
Il faut bien comprendre que le prix effectivement payé par l’opérateur alternatif peut dépendre de nombreux facteurs, tel que le nombre de ses clients, du profil de ceux-ci (le débit de leur connexion à Internet) ou encore du nombre de chaînes de télévision disponibles dans son offre.
Ce prix correspondra donc au montant que devra payer l’opérateur alternatif afin d’accéder aux différents réseaux fixes existants : ceux des opérateurs reconnus puissants sur le marché.
Parmi les distributeurs de services, qui sont les propriétaires d’infrastructure et qui sont les opérateurs qui louent ?
S.C. : Il y a actuellement sept télédistributeurs déclarés auprès du CSA : il s’agit de BeTV, Brutélé et VOO SA (qui opèrent tous deux sous la marque VOO), Orange, Proximus, Telenet Group (ex-réseau SFR) et Telenet SPRL. Parmi ceux-ci, seuls BeTV et Orange ne sont pas opérateurs de leur propre réseau fixe. Par ailleurs, nous avons déjà dit que Brutélé, VOO SA, Proximus et Telenet avaient été déclarés puissants sur le marché par la CRC et obligés, pour cette raison, d’accorder l’accès à leur réseau fixe respectif à des opérateurs alternatifs qui le souhaiteraient.
O.H. : J’ajouterais que Scarlet est une marque de Proximus, qui est donc disponible sur le réseau de cet opérateur. Quant à Orange, il propose ses services de télévision via les infrastructures fixes des autres télédistributeurs puisqu’il bénéficie du droit d’accès.
Vous avez rappelé que les régulateurs imposaient aux câblo-opérateurs de donner accès à leur infrastructure à d’autres opérateurs désireux de proposer au consommateur une offre alternative depuis 2011, et ce dans le but de stimuler la concurrence. Quel regard portez-vous sur l’évolution du paysage de la télédistribution et des télécoms ? Le marché est-il aujourd’hui plus concurrentiel ?
O.H. : En accordant l’accès aux réseaux à des opérateurs alternatifs, la CRC a créé une dynamique positive avec la participation active du CSA. On observe que les consommateurs peuvent choisir entre davantage de fournisseurs et que les opérateurs sont incités à augmenter la qualité de leurs services et à en lancer de nouveaux.
S.C. : Sur cette base, un opérateur tel qu’Orange a pu effectuer son entrée sur le marché et proposer des offres nouvelles qui semblent, si l’on en croit les chiffres publiés par cette société, trouver leur clientèle.
Cependant, les annonces récentes d’augmentation tarifaire de certains opérateurs viennent rappeler la nécessité de nos décisions et l’importance de leur mise en œuvre. Pour les consommateurs, les prix des « packs » augmentent régulièrement, alors même qu’ils sont souvent déjà plus élevés que dans les pays voisins.
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