Jumelage CSA HAICA, le projet arrive en gare mi-2020 et marque une nouvelle étape dans les missions de coopération du CSA

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Par Paul-Eric Mosseray, Conseiller Résident du jumelage entre la Haica et le CSA belge

Dans quelques mois, le travail coopératif entre le CSA et son homologue tunisien la HAICA arrivera à bon port. Avec de nombreuses activités à son actif, c’est dire si le Jumelage entre les régulateurs audiovisuels tunisien et belge et l’appui de l’INA français a pris la forme d’un travail coopératif continu, puisqu’il ne se passe pratiquement pas une semaine sans activité depuis son lancement en décembre 2018. C’est aussi l’occasion pour le CSA de mesurer sa capacité à assumer un programme de coopération d’une nouvelle dimension.

Créée en 2013 dans le contexte post-printemps arabe, la HAICA est l’Instance indépendante de régulation des médias audiovisuels tunisiens, inscrite dans la nouvelle Constitution tunisienne. Assez rapidement, elle a porté sur ses épaules des thématiques conséquentes, telles que le monitoring de la couverture des campagnes électorales, la lutte contre les discours de haine et les discriminations, l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore le pluralisme des médias. C’est au début 2018 que la HAICA saisit l’opportunité du « Programme d’appui à l’accord d’association » entre la Tunisie et l’Union européenne pour s’engager dans un projet de jumelage avec un homologue européen. Avec pour objectif de déployer de nouvelles thématiques de régulation et de renforcer ses services et ses processus de travail.

En répondant en juin 2018 à l’appel d’offres lancé par l’Union européenne, le CSA belge décidait d’approfondir ainsi sa relation existante avec la HAICA dans divers projets depuis la révolution tunisienne, et y associait l’INA français.

Si le 13 décembre 2018 a marqué le lancement officiel du jumelage européen, le programme lui-même a pris forme dès le 1er octobre, date à laquelle le Conseiller résident de jumelage posait ses valises au bureau que la HAICA met à sa disposition.

Très concrètement, le Jumelage est une véritable méthode d’accompagnement et de partage par des collègues qui disposent d’une pratique et d’une expérience approfondie dans un domaine donné. C’est ainsi que les conseillers et conseillères, devenus des experts de leur domaine, et issus d’Institutions comme le CSA belge et l’INA qui ont capitalisé un savoir-faire de plusieurs dizaines d’années, sont affectés à des missions de renforcement des capacités des équipes de la HAICA tout au long du programme.

Depuis le début du jumelage, les membres du CSA se sont non seulement imprégnés des réalités de travail de leurs collègues mais engagés dans des actions très avancées de collaboration. Le partage d’expériences dans un contexte de transition démocratique est une source d’inspiration pour tous les partenaires des deux côtés de la Méditerranée. Et les nombreuses semaines de travail entre collègues tunisiens, belges et français, l’occasion d’échanges d’une grande richesse professionnelle, culturelle, autant qu’humaine : autant de valeurs cultivées par la régulation.

Au terme de ce programme de Jumelage, l’occasion sera offerte à tous les partenaires de présenter leur bilan à Tunis le 24 juin. Et en octobre, le CSA lui-même accueillera un évènement qui présentera à son tour le bilan et donnera l’occasion de regards croisés entre le nord et le sud, sur des thématiques et des pratiques de régulation.  

Le jumelage par volet :  

Entrecoupées de visites d’études spécifiques des membres de la HAICA à Bruxelles, les activités se déroulent principalement au sein des bureaux de la HAICA à Tunis dans 5 volets d’expertise, et sous la coordination d’un Chef de projet à Bruxelles et d’un Conseiller résident permanent à Tunis :

Un volet « prospectif », pour contribuer à la définition des stratégies du régulateur tunisien. Dans ce cadre, la HAICA s’est donné comme objectif d’élaborer un plan de développement et de positionnement stratégique de sorte que l’institution puisse formaliser une vision de son mandat et de ses missions à moyen terme en se basant sur ce qu’elle a déjà accompli en 6 ans d’existence.

S’effectue parallèlement un soutien au positionnement international de la HAICA qui a pris la forme d’un accompagnement conceptuel de la Conférence du Réseau REFRAM. 

Une visite d’étude du président de la HAICA, Nouri Lajmi, a par ailleurs été consacrée en juillet au thème spécifique de la régulation des fake news et de la lutte contre la désinformation, avec 3 jours de rencontres personnalisées avec la plupart des initiatives européennes.

La Haica est une instance constitutionnelle, ce qui donne déjà la hauteur des enjeux qu’elle recouvre. Elle est aussi une instance démocratique. On parle de quoi finalement ? De la liberté des médias, de la liberté d’expression, du pluralisme des médias, autant de choses sans lesquelles les acquis de la révolution disparaitraient du jour au lendemain. Les enjeux sont donc nombreux et les défis sont de taille. Il faut maintenant se projeter dans l’avenir” – Jean-François Furnémont, Chef de projet.

Un volet « monitoring et régulation », pour renforcer les capacités des départements en charge de la surveillance des programmes, de l’instruction des infractions, et du contrôle annuel des obligations des médias audiovisuels.  Les diagnostics interne et stratégique ont été partagés. A la suite de visites d’étude dans les services du CSA à Bruxelles, les ateliers portant sur le contrôle annuel des obligations des médias privés et publics et l’instruction des infractions ont été conduits, avec en priorité, la méthode de contrôle du nouveau Contrat de la télévision publique tunisienne ainsi que le monitoring de la protection des mineurs. 

Des membres du service juridique et monitoring ont participé aux Ateliers de manière assidue.  Ces participations ont été bénéfiques car elles permettaient un partage des différentes réalités de travail entre les services. Nous avons pu dégager et discuter en direct de solutions simples à mettre en œuvre pour répondre à certaines difficultés exprimées. J’ai apprécié la proactivité et la bienveillance qui régnaient autour de la table”. Maxime Fabry, ancien du Secrétariat d’instruction du CSA.

“C’est toujours très intéressant de voir comment d’autres personnes font un travail similaire à celui que je fais, de voir que tout le monde ne fait pas de la même manière, on peut toujours apprendre et enrichir sa pratique (…) et on peut apprendre aussi au sein du CSA de la manière dont travaille la HAICA” – Marie Coomans – Secrétaire du Collège.

Un volet « études et recherches », pour nourrir les praticiens de la régulation, coopérer avec le secteur académique, et pour rester pertinent dans les nouvelles questions auxquelles un régulateur des médias est confronté. Après le diagnostic partagé, le cahier des charges (moyens, thématiques, organisation) a été déposé et discuté, tandis que les profils de fonction et la procédure de recrutement ont été définis.  Plusieurs outils ont été élaborés ou sont en voie de l’être : des grilles d’analyse en vue de lancer de nouvelles études (présence et représentation des enfants, égalité homme / femme dans les ressources humaines) , un guide de procédure pour lancer une base de données descriptive du paysage médias tunisien. Enfin, les besoins d’un catalogue de ressources documentaires sont identifiés et après des ateliers de formation sur les modalités d’indexation et de classement, une base de données en ligne a été lancée..

La recherche est intimement liée à l’exercice de la régulation. Il faut connaître l’état des lieux du secteur pour fonder des politiques publiques et des mesures régulatoires adaptées aux réalités sociales ou économiques. Il est donc nécessaire de produire des données empiriques, d’objectiver les choses pour agir de manière appropriée. Joelle Desterbecq, Directrice des Recherches au CSA

Un volet destiné à renforcer la communication du régulateur tunisien, qui assure la transparence de son action. Après l’accompagnement de l’élaboration d’un plan de communication, de nouveaux supports ont été créés et des projets concrets ont été réalisés, en particulier l’adoption de chartes graphiques et éditoriales pérennes de ces nouveaux supports : la mise en ligne d’un site magazine,  l’acquisition du matériel technique nécessaire à l’installation d’un studio, des formations en montage vidéo, graphique, emailing, infographies et stratégies de diffusion.

« C’est incroyablement riche d’échanger sur nos matières. (…) J’ai très vite réalisé que, si nos objectifs sont similaires, les enjeux entre les deux pays sont très différents. En Belgique, la régulation des médias existe depuis longtemps et ne remue plus les foules. Ici, elle est en pleine effervescence et touche au cœur de la démocratie tunisienne. Je suis heureux de pouvoir échanger sur nos méthodes et aider à professionnaliser davantage le service communication de la HAICA, mais dans le même temps, je redécouvre toute l’importance fondamentale de notre travail de communiquant et l’impact réel qu’il peut avoir sur le public et la démocratie ». François Massoz-Fouillien, Responsable Communication du CSA

Un dernier volet, dédié aux archives audiovisuelles, est pris en charge par l’INA pour contribuer au renforcement technique de la HAICA sur la mise en place de systèmes de captation, de stockage et de documentation des programmes de radio et de télévision. Après le rapport diagnostic et les missions d’audit, durant lesquelles des adaptations immédiates des équipements d’acquisition ont été réalisées, les cahiers de recommandations pour l’acquisition des équipements,  les développements informatiques et la gestion des données ont été finalisés.

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