Les radios indépendantes doivent se coordonner pour monter sur le numérique

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Entretien de Xavier Jacques-Jourion et de Cédric Mauer, de l’Unité Radios.

L’Unité radio est en plein post plan de fréquences. On peut dire que les derniers mois ont été intense pour vous ? Est-ce que le plan est bien derrière ? 

Xavier Jacques-Jourion : Non le plan de fréquences n’est pas entièrement derrière nous car l’appel d’offres a été clôturé en juillet et il y a eu des recours introduits par des candidats déçus qui sont toujours en cours. À côté de cela, nous sommes occupés à assurer la suite du plan de fréquences. Un accompagnement des services autorisés est nécessaire, par exemple pour tout ce qui concerne l’allumage des émetteurs. Nous voulons aussi nous assurer que les radios indépendantes se coordonnent entre elles pour mettre en place leur infrastructure numérique. Ce n’est pas simple, car le législateur a prévu deux cas de figure pour la transition vers la radio numérique.  

Le premier concerne les réseaux communautaires qui partagent leurs multiplex avec la RTBF et dont cette dernière est l’opérateur. Pour eux, leur lancement sur le DAB+ est relativement simple, car la RTBF avait déjà une infrastructure.  

Le second concerne les radios indépendantes qui, par définition ont l’habitude d’être très autonomes dans leurs choix. Par le passé, on attribuait une fréquence FM à chaque radio et elle se débrouillait de son côté en mettant en place sa propre infrastructure de diffusion analogique. Passer au numérique représente un changement de contexte important pour elles, car elles vont devoir se partager une infrastructure de diffusion et se mettre d’accord pour choisir un opérateur commun qui va déployer et administrer le réseau.  

Cédrier Maueur : J’ajoute qu’il reste encore de la place. Il reste un réseau en DAB+ et pour les indépendantes plusieurs fréquences en FM et beaucoup de places en DAB+ dans certaines régions… Actuellement, un nouvel appel d’offres est en cours pour 5 fréquences analogiques dont les autorisations arrivent à leur terme. D’autres suivront certainement. 

L’enjeu du nouveau plan de fréquences, c’est aussi la montée des radios sur le numérique. On est à quelques mois depuis l’attribution des réseaux aux radios. Quel est votre regard sur le déploiement de la radio numérique pour le moment ?  

XJJ : Ce qui nous préoccupe pour le moment, c’est le déploiement de la radio numérique en milieu rural, surtout en ce qui concerne les radios indépendantes. Dans les milieux urbains, on va regrouper plus d’une dizaine de radio indépendantes sur un seul multiplex. La difficulté dans les zones rurales, c’est que les multiplex ne sont pas très remplis. L’intérêt du DAB+ pour les radiodiffuseurs, c’est la possibilité de mutualiser les coûts liés à l’infrastructure de diffusion, mais s’il n’y a qu’une ou deux radios sur un multiplex, elles vont devoir se partager la totalité des coûts. C’est une réalité qui pose réellement question et les éditeurs concernés vont probablement se tourner vers le gouvernement pour demander de l’aide.  

Pour le reste, il faut se réjouir qu’en ce qui concerne les réseaux communautaires le déploiement se soit rapidement mis en place, car la RTBF avait déjà fait les tests nécessaires et tout était prêt pour le lancement. Cependant, les nouveaux services en réseaux n’ont pas encore leur forme définitive. L’offre DAB+ devrait donc encore évoluer dans les mois qui viennent.   

CM : Par rapport aux nouveautés que l’on retrouve sur le DAB+, La RTBF a lancé deux nouveaux services. Du côté des radios privées, 4 projets se sont ajoutés à l’offre. Sud Radio, qui est à l’origine un réseau provincial, propose maintenant une offre nationale. RCF, avec 1RCF, a obtenu également un réseau communautaire. Alors qu’avant elle n’avaient que des déclinaisons locales. On a aussi, Chérie et Nostalgie +, deux radios du groupe NRJ Nostalgie qui sont venues s’ajouter en numérique.  

L’expérience de nos voisins montre que, pour fonctionner, le réseau DAB+ doit proposer une offre spécifique par rapport à la FM. Est-ce que c’est le cas chez nous ?  

CM : Je dirais qu’on a plutôt un plus grand choix. Si on prend les nouveaux candidats autorisés, ils proposent surtout une offre complémentaire, mais avec un public plus ciblé encore. Chérie, 1RCF, Nostalgie+ s’adresse à des cibles spécifiques, même si leur format reste assez généraliste.  

XJJ : Concernant la communication vers le grand public autour de l’existence du DAB+, c’est « MaRadio.be » qui est en charge des campagnes de promotion. Aujourd’hui, on parle de plus en plus de la radio numérique et d’après la dernière étude de notoriété, on est passé de 40 à 80% des sondé.e.s qui connaissent le DAB. La problématique c’est le taux d’équipement du public. Ici aussi il y a des évolutions positives, car à partir de l’année prochaine, toutes les voitures neuves devront être équipées d’un récepteur de radio numérique. Il faudra aussi que les citoyen.ne.s achètent des transistors numériques pour que la transition soit un succès.  

La montée des radios en DAB+ a tout de même fait débat. Les coûts sont importants et toutes les radios n’ont pas les mêmes possibilités d’investir. Au départ, certaines radios préféraient éviter de postuler en DAB+. Où en est-on dans ce débat ?  

XJJ : l’avenir de la FM est une grande inconnue. Étant donné la durée des autorisations qui est de 9 ans, c’est très difficile de prévoir quel sera le monde de la radio dans 9 ans. Il y a tellement de changement dans les habitudes du public que c’est impossible de dire qu’on va éteindre la FM dans 9, 12, ou 15 ans… Ce qui est certain, c’est que le public reste clairement attaché à la radio, peu importe le moyen de diffusion. Je vois le succès des podcasts comme une petite revanche de la radio sur internet qui montre à quel point les offres audio ont de beaux jours devant elles. 

CM : Sur la question de l’extinction de la FM, il faut aussi s’interroger sur l’avenir des radios indépendantes. Si ces dernières ne montent pas en totalité sur le DAB, l’extinction de la FM va aussi faire disparaitre des radios. Il faut voir comment les choses vont évoluer dans les prochaines années. À l’heure actuelle, on ne peut pas éteindre la FM sans faire de dégât.  

XJJ : Le Gouvernement a déjà prévu un soutien à l’investissement d’un million d’Euros pour la mise en place des multiplex des radios indépendantes. Etant donné qu’il reste pas mal de place pour les multiplex locaux, le CSA lancera régulièrement des appels d’offres pour permettre à de nouveaux services d’apparaitre dans le paysage de la radio numérique de demain.  

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