Par Joëlle Desterbecq, Directrice des études et recherches du CSA
L’Association des Journalistes Professionnels vient de publier sa troisième étude de la diversité et de l’égalité dans la presse quotidienne belge francophone. Les résultats montrent quelques évolutions positives mais également des régressions. Des résultats qui ne sont pas sans rappeler ceux énoncés dans le Baromètre du CSA qui se penche sur l’égalité et la diversité dans les services télévisuels.
Cet article propose un regard croisé sur les Baromètres des services télévisuels et de la presse écrite. Ces études sont en effet fondées sur une même méthodologie, adaptée aux spécificités de leurs supports. Quelles sont les similitudes et les différences de résultats entre les deux baromètres ?
Genre :
La comparaison des résultats des Baromètres de la presse écrite et des services télévisuels montre des différences importantes s’agissant du genre des intervenants.
Si dans les deux cas, les femmes font l’objet d’une nette sous-représentation par rapport à leur présence dans la société belge, cette sous-représentation est encore plus marquée pour la presse écrite : 34,33% des intervenants sont des femmes en télévision pour 15,39% en presse écrite.
Par ailleurs, la
comparaison des résultats dans le temps montre que, tant en télévision qu’en
presse écrite, on observe une diminution de la présence des femmes entre les
deux derniers Baromètres :
-2,55% en télévision et -1,92% en presse écrite.
La répartition des intervenants hommes et femmes selon le thème des sujets d’information présente aussi des similitudes entre services télévisuels et presse écrite. Le thème dans lequel il y a le moins de femmes est le sport. Ce sujet recense 12,51% des intervenantes en télévision et 5,92% en presse écrite. Le thème dans lequel il y a le plus de femmes est celui « santé et bien-être » qui recense 51,67% d’intervenants féminins en télévision et 60,59% en presse écrite. Tant à l’écran qu’en presse écrite, c’est le seul thème où les femmes sont majoritaires par rapport aux hommes. De manière générale, quel que soit le support étudié, les femmes sont plus largement associées aux softs news et aux questions sociétales que les hommes (société, santé, bien-être, enseignement, éducation). Si on se penche sur les « hard news », on note que les femmes sont un peu plus présentes en télévision dans les thématiques politique et économie. La proportion de femmes progresse toutefois dans la thématique politique dans le Baromètre de la presse écrite.
Au niveau de la répartition des rôles médiatiques selon le genre de l’intervenant, on retrouve de nombreuses similitudes entre les services télévisuels et la presse écrite. Ainsi par exemple, les femmes sont plus présentes dans le rôle discursif de « vox populi » que de porte-parole ou d’experte : elles figurent davantage dans le registre du témoignage ou de l’affect que du savoir ou du discours critique. Le rôle discursif où les femmes sont les moins nombreuses est celui d’experte : on recense 20,56% d’expertes en télévision et 18,83% en presse écrite. En télévision, il s’agit d’une augmentation de +1,73% (depuis le dernier Baromètre). En revanche, en presse écrite la proportion d’expertes est en léger recul (-1,06%). Parmi les éléments positifs, on soulignera que, tant en télévision qu’en presse écrite, l’analyse au fil du temps montre une augmentation de la proportion de femmes dans le rôle de porte-parole (+5,02% en télévision et +5,56% en presse écrite) et dans celui de journaliste/photographe ou journaliste/animatrice (+ 3,45% en télévision et +6,21% en presse écrite).
Origine :
Avec le genre, l’origine est le second critère de la diversité qui présente le plus de différences entre la presse écrite et les services télévisuels. Mais le rapport s’inverse : alors que la télévision présente un peu plus de diversité de genre, c’est la presse écrite qui présente davantage de diversité des origines. En effet, 32,42% des intervenants sont issus de la diversité en presse écrite pour 14,39% en télévision. Par ailleurs, alors que la diversité des origines recule dans le dernier Baromètre des services télévisuels (-2,59%), elle se stabilise en presse écrite.
Mais où se situe la diversité ? En télévision, comme en presse écrite on relève l’importance du sport et de l’information internationale dans la représentation de cette dernière. Cet accent sur l’international met en exergue que diversité des origines dans l’information de nos services télévisuels ou de nos quotidiens est d’abord une diversité à l’extérieur de nos frontières.
L’analyse de la répartition des rôles médiatiques des intervenants selon leur origine montre également des points de convergence entre presse écrite et télévision. En l’occurrence :
- les rôles les plus « prestigieux » (journaliste, porte-parole, expert) sont ceux où il y le moins de diversité des origines ;
- s’agissant des rôles discursifs, la diversité est davantage présente dans le rôle de vox populi (quidam, témoin, expérience personnelle) que dans ceux de porte-parole ou d’expert ;
- on note plus de diversité dans les rôles passifs tels que figurants ou sujet (presse écrite) ;
- l’analyse au fil du temps montre tant en télévision qu’en presse écrite, un recul de la diversité des origines dans les rôles de journaliste/photographe (en presse) ou journaliste/animatrice (en télévision).
L’analyse des rôles d’experts et de porte-parole met aussi en évidence des différences entre presse écrite et services télévisuels. En effet, dans le rôle d’expert, la diminution de la diversité est moins marquée en télévision qu’en presse écrite. En outre, dans le rôle de porte-parole, la diversité des origines continue sa progression en télévision tandis qu’elle recule en presse écrite.
Age :
La tranche d’âge des 19-34 ans est la plus représentée que ce soit dans les services télévisuels ou dans la presse écrite : elle comporte 32,67% des intervenants en télévision et 41,30% en presse écrite. Sa présence est donc encore plus forte en presse écrite. Cette classe d’âge est largement surreprésentée par rapport à sa présence réelle dans la société belge. Ainsi, elle est 1,6 fois plus présente à l’écran et 2 fois plus présente en presse écrite que dans la population belge (20,00% au 1er janvier 2017). Cette tendance au « jeunisme » dans les représentations est une constante au fil des Baromètres.
Toutefois, cette tendance a diminué quelque peu. En télévision, cette diminution est plus marquante qu’en presse écrite.
Tant sur les écrans qu’en presse écrite, on observe une très nette sous-représentation des personnes âgées de 65 ans et plus. Elles constituent 7,94% des intervenants dont on a pu identifier l’âge en presse écrite et 4,68% en télévision pour 18,50% dans la société belge. La sous-représentation des personnes de 65 ans et plus est également une constante des différents Baromètres.
Catégories socio professionnelles :
Les catégories socio-professionnelles supérieures (c’est-à-dire les dirigeants, cadres supérieurs, professions intellectuelles et scientifiques) et les sportifs professionnels constituent l’essentiel des représentations socio-professsionnelles tant dans les services télévisuels qu’en presse écrite.
En presse écrite, les CSP + représentent 36,96% des intervenants dont la profession a pu être identifiée. Elles sont également très représentées en télévision où elles rassemblent 44,71% des intervenants. Toutefois, dans les deux cas, il s’agit d’une diminution par rapport aux Baromètres précédents.
Handicap :
Que ce soit à l’écran ou dans la presse écrite, les personnes en situation de handicap sont pratiquement invisibles. Elles représentent 1,48% des intervenants en télévision et 0,21% en presse écrite.
Dans près de 4 cas sur 10 en télévision et 2 cas sur 3 en presse écrite, les personnes en situation de handicap sont sollicitées précisément en tant que personne handicapée dans un sujet relatif au handicap. Elles sont plus fréquemment passives que les personnes qui ne présentent pas de handicap visible, c’est-à-dire plus présentes dans les rôles de figurants ou encore dans les catégories d’intervenants que l’on voit mais qui ne parlent pas.
Deux baromètres, des divergences et de nombreuses convergences
On observe un certain nombre de différences mais aussi de nombreuses similitudes entre les Baromètres des services télévisuels et de la presse écrite.
Les principales différences portent sur les critères de genre et de diversité des origines. Ainsi, on observe davantage de femmes en télévision qu’en presse écrite mais moins de diversité des origines. C’est une tendance régulière au fil des analyses. Si la présence des femmes régresse légèrement dans les deux cas, en télévision la diversité des origines connaît aussi une diminution, tandis qu’elle se stabilise en presse écrite. Enfin, s’agissant du rôle d’expert la présence des femmes y est plus encourageante en télévision qu’en presse écrite.
S’agissant des similitudes, on observe dans les deux cas que certains paramètres de l’égalité et de la diversité poursuivent les évolutions déjà amorcées précédemment ou amorcent des transformations, quand d’autres critères stagnent voire reculent alors même que l’on pensait les changements impulsés
Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la récurrence de certains constats qui persistent inlassablement au fur et à mesure des analyses réparties sur plusieurs années et sur deux supports différents : les femmes, les personnes issues de la diversité, les personnes âgées et les très jeunes, les individus issus de catégories socio-professionnelles moins qualifiées et les personnes en situation de handicap font l’objet de représentations quantitativement et qualitativement déséquilibrées par rapport aux hommes, aux jeunes adultes, aux personnes vues comme « blanches », aux catégories socio-professionnelles supérieures et aux individus en « bonne » santé. La récurrence de ces constats devient une information en soi.
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Le baromètre de l’AJP en vidéo