Régulation s’est entretenu avec Camille Wernaers, Chargée de Projet & collaboratrice communication de l’association Amazone, carrefour de l’égalité de genres en Belgique. Depuis sa création en 1995, l’association Amazone a mis la lutte contre la discrimination de genres et le sexisme au cœur de ses préoccupations. Une société plus égalitaire passera par une diversité assumée dans les campagnes de pub. Et pas uniquement pour faire le buzz.
Les stéréotypes ont la peau dure ?
Terriblement dure. Les publicités nous montrent toujours des femmes jeunes, blanches, filiformes, épurées, désirables, lisses. Qu’on le veuille ou non, à force de montrer des femmes objets, certaines personnes continueront à la traiter comme des objets ; une paire de fesses, de seins… Cela valide le harcèlement de rue. Les femmes elles-mêmes sont en quête de cette perfection inatteignable qui les pousse inexorablement à la consommation, à un manque de confiance en soi, voire dans des cas extrêmes à certaines pathologies.
Le sexisme est toujours bien visible dans la pub en 2019 ?
Je dirais qu’il y a de moins en moins de sexisme frontal mais cela ne veut pas dire que la situation actuelle est meilleure qu’avant. Le sexisme est toujours bien présent mais de façon plus pernicieuse car il passe inaperçu. L’habitude fait qu’on ne le perçoit plus. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré cela. Qu’ils s’agissent d’un panel de publicitaires, d’associations ou des citoyens, tout le monde a vraiment du mal à identifier ce qui est sexiste ou non dans une publicité.
Or, le sexisme est bien là avec des filles toujours si maigres sur les catwalks et dans la pub. Il y a bien des initiatives ponctuelles, mais même celles-là peuvent être critiquées. Par exemple, si une société lance une campagne mettant en avant toutes les femmes y compris les femmes rondes, il est inutile voire contreproductif de faire de la com autour de cela disant « vous voyez, on parle d’elles aussi ». On ne veut pas de numéro spécial « rondes ». Les marques doivent s’engager contre le sexisme au quotidien et représenter chaque femme dans sa diversité. Si les publicitaires veulent vraiment parler à tout le monde, il faudrait qu’ils pensent à inclure tout le monde. Et cela doit être la norme et pas l’exception qui fait le buzz.
Quelles solutions pour améliorer la situation ?
La pub est un univers particulier. Le monde publicitaire n’est pas le monde médiatique. Autant la reconnaissance d’une fake news peut jeter un discrédit total sur un organe de presse, autant un bad buzz publicitaire peut être positif, parce qu’au final cela fait parler de la marque, c’est toujours de la com.
Avec le sexisme, on est dans le domaine de la responsabilité collective. Donc il faudrait des campagnes de sensibilisation et de prévention du grand public, des étudiants, et bien sûr du secteur publicitaire lui-même. C’est ça la clé. On ne va pas changer le système avec des sanctions financières ou des chartes. C’est les mentalités qu’il faut changer. Être capable d’identifier les images et paroles sexistes, s’en prémunir pour arriver un jour à des communications commerciales respectueuses de chacune et de chacun.
Amazone s’investit de plus en plus dans la prévention des publics. En 2018, nous avons donné des formations dans certaines facultés de communications. Nous avons organisé des ateliers grands publics. Nous allons continuer dans cette voie pour aider tout le monde à ouvrir les yeux sur les stéréotypes de genre.
Plus d’infos sur la campagne Vrais Corps d’Amazone asbl, une campagne pour convaincre les agences de publicité, les photographes, les designers et les journalistes à montrer des corps réalistes et des personnes réelles dans leurs publications.
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