(Vidéo) « Il faut que la diversité percole à chacune des étapes de création du message publicitaire »

Régulation | Régulation

Entretien Karim Debbah, Union Belge des Annonceurs (UBA)

Les frontières bougent dans le secteur de la publicité belge sur les questions de diversité et d’égalité entre les femmes et les hommes. Et pour preuve, la charte Unstereotype Communication soutenue par le CSA vient d’être rédigée par l’Union Belge des Annonceurs. Par rapport à certains pays comme l’Angleterre ou les Etats-Unis, il reste des choses à faire, reconnait Karim Debbah, Media Manager à l’UBA. Et c’est vrai qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, un travail de fond reste à mener dans le secteur de la publicité. Objectif d’une telle charte : sensibiliser les annonceurs à une pub « design for all » qui incarne la diversité avec dignité, réalisme et pertinence. La solution : l’UBA la voit en amont et à toutes les étapes de création.

Comment ce projet de charte est-il né à l’UBA ?

C’est un projet qui a eu une durée de gestation relativement longue. Il va de soi que l’UBA observe aussi ce qui se passe au niveau sociétal. Le premier grand pas a été la publication par la WFA (World Federation of Advertisers) d’une charte spécifique sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes, par la suite étendue à la diversité en général. Au niveau belge un autre levier important pour nous a été l’édition du baromètre diversité du CSA. Nous l’avons reçu comme un catalyseur pour accélérer le mouvement. Et puis il y a eu l’affaire Wenstein, le mouvement #metoo. Autant d’éléments qui ont accéléré les choses.

Quelle a été la réaction des membres de l’UBA ?

La diversité est devenue une nécessité. J’insiste, elle ne doit plus être perçue comme une obligation contraignante, elle doit percoler dans toutes les opérations marketing et s’intégrer dans une stratégie globale. Sans doute que la Belgique est un peu en retard, mais il devient nécessaire que le message publicitaire soit le plus en accord possible avec le paysage belge. Donc oui, le projet a été bien reçu par nos membres. Et les choses bougent aussi concrètement. La semaine dernière, le « Trends day » qui aborde les tendances en marketing & communication et réunit chaque année plus de 1500 professionnels belges du secteur, a fait la part belle à la diversité et l’inclusion, aussi au niveau de son panel qui comprenait davantage d’expertes que d’experts.

Concrètement, quelle est la finalité de cette charte ? 

Cette charte veut rappeler que la diversité, c’est une affaire de contenu dans la pub et donc de message, mais aussi une question d’organisation. Concrètement, avoir une équipe de campagne qui est elle-même diversifiée nous semble aujourd’hui fondamental pour éviter les biais et les dérapages. Si l’équipe est uniquement composée d’hommes blancs d’une quarantaine d’années, ça me semble compliqué de produire un message pertinent en termes de diversité. Il faut voir aussi l’ensemble de la chaine de production d’une publicité et y intégrer, à chacun des maillons, des leviers permettant de vérifier le message en matière de diversité. En réalité, ce que rappelle cette charte, c’est la base du marketing, mais sur fond de diversité. 

Après avoir intégré des regards diversifiés à chacune des étapes de la production d’une publicité, elle doit finalement être « Design for all ». Concrètement, elle ne doit pas s’adresser à un groupe en particulier, à une niche, le message doit être compris par un public plus large. Faire de la diversité pour s’adresser uniquement à celles et ceux qui sont concerné.e.s est insuffisant.  C’est en adressant un message plus globalement qu’on « banalise » la diversité. Évidemment, ça implique de casser les codes « traditionnels ». L’exemple typique est celui d’une publicité destinée à vendre des langes. Un homme peut acheter des langes ! Ça semble évident, mais sans un travail de réflexion en amont, c’est une femme qui se retrouvera dans le message final. C’est un exercice qui n’est pas simple, parce qu’il faut faire parfois passer un message en moins de 20 secondes. Plus la publicité sera courte, plus elle sera tentée d’utiliser des stéréotypes pour simplifier le message…

La semaine dernière, une enseigne de distribution a diffusé une publicité qui a fait beaucoup parler d’elle. Comment expliquer que malgré l’existence d’une telle charte et la sensibilisation du secteur, une telle publicité puisse encore être validée et diffusée ?

Un faux pas. D’autant qu’il y avait déjà eu du remous en France. Sans doute ont-ils sauté des étapes faute de temps. A préciser que la pub originelle était composée de 2 visuels qui, mis ensemble, soutenaient la diversité. Cela témoigne d’un problème organisationnel selon moi, d’où l’importance de rappeler les étapes de production dans notre charte. Dans le monde de la publicité, on sort tout de même des années 80 et 90 où le porno chic permettait tout et n’importe quoi. Il faut pouvoir sortir de ces mentalités, je le répète, briser les codes et faire l’effort d’intégrer des groupes tests et des équipes qui vérifient la pertinence du propos à chacune des étapes de création d’un message publicitaire. Malheureusement, encore aujourd’hui, ce sont des étapes qui peuvent être négligées lorsque le temps manque. Pour moi, la diversité, c’est d’abord et avant tout une question organisationnelle. C’est à ce niveau qu’il faut poursuivre les démarches de sensibilisation.

Je m’inscris à la newsletter regulation.be

Revenir au dossier : diversité dans les médias

Découvrez L’UBA

   Send article as PDF