En tant qu’union des médias de service public européens, l’UER a collaboré aux travaux de révision de la directive SMA afin de l’adapter aux nouveaux modes de consommation des médias à l’ère numérique. Nicola Frank, représentante de l’UER à Bruxelles, revient sur la position de l’UER dans ce dossier, son implication et ses attentes pour la phase d’implémentation de la nouvelle législation. Rencontre.
En quoi consiste votre travail à l’UER ?
Nicola Frank (NF) : L’UER (Union européenne de radio-télévision) est la plus grande alliance de médias de service public. Notre organisation, dont le siège est à Genève, a été créée en 1950. Pôle d’apprentissage et de partage de connaissances pour ses Membres, elle défend l’intérêt de 117 organisations membres dans 56 pays. Pour ma part, je suis responsable des affaires européennes au bureau de Bruxelles.
Notre équipe chargée des affaires juridiques et publiques met tout en œuvre pour que nos Membres puissent évoluer au sein d’un cadre réglementaire européen optimal. C’est-à-dire pour qu’ils puissent assumer la mission de service public qui est la leur et continuer à répondre aux attentes sociales, démocratiques et culturelles de la société. Nous contribuons notamment à l’élaboration d’une législation sur les médias adaptée au 21e siècle. Pour ce faire, nous menons du lobbying pour faire valoir le point de vue des membres de l’UER sur des dossiers comme la neutralité du Net, les droits d’auteur ou encore la réglementation des médias audiovisuels.
Quelle a été l’implication de l’UER dans la révision de la directive SMA ?
NF : L’UER travaille en étroite relation avec la Commission ainsi qu’avec les autres institutions européennes concernant la directive SMA depuis les débuts de la législation sur les médias audiovisuels. Cela remonte à 1989. La dernière mouture datait quant à elle de 2007. L’UER était ravie que des changements soient proposés et adoptés en 2018 à la lumière des nouveaux services et comportements de consommation des produits audiovisuels.
Au
sein de l’UER, nous discutons régulièrement du contenu de la directive et ses
implications pratiques à la fois avec nos membres. Dans le cas des modifications
entérinées en avril 2018, nous avions fait un travail de consultation publique
auprès de chacun de nos membres, suivi de réunions avec les spécialistes
impliqués dans le dossier afin d’établir une position commune.
Quelle était la position générale de l’UER par rapport à la directive et ses évolutions ?
NF : L’UER a soutenu d’emblée l’élargissement du champ d’application de la directive de services de médias audiovisuels. L’UER tend à promouvoir un secteur audiovisuel ouvert, diversifié et dynamique en Europe. Pour cela, il est important de favoriser des contenus de services publics sur différentes plateformes audiovisuelles. Evidemment, cela n’est pas possible sans une législation équilibrée pour toutes les plateformes et les services à l’heure de la convergence des médias. Notre position commune est bien entendu élaborée avec nos membres, dans leur intérêt et dans celui de leur public, les citoyen.ne.s européen.ne.s donc.
Et sur le plan de la visibilité des contenus d’intérêt public ?
NF : Nos membres, les chaines publiques, souhaitent évidemment rester pertinents pour leurs audiences. L’UER veut donc être certaine que les téléspectateur.trice.s soient toujours consient.e.s qu’il y a une offre riche de contenus d’intérêt public qui est disponible là, en un simple clic. C’est d’autant plus vital aujourd’hui avec l’abondance des offres et le développement des plateformes divers à travers desquels les audiences découvrent des contenus.
À l’UER, nous sommes donc contents que le texte reconnaisse ce principe de proéminence des contenus de valeurs publiques, d’intérêt général, mais maintenant l’enjeu crucial est de voir comment ce principe va être mis en œuvre au niveau national. C’est un de nos grands points d’attention pour les mois à venir. L’UER souhaite que les Etats membres fassent en sorte que la directive révisée soit mise en œuvre efficacement d’ici septembre 2020, date publiée au Journal officiel de l’Union européenne.
Cette mise en avant du contenu d’intérêt public participe au pluralisme ?
NF : Le pluralisme est un principe de base reflété dans de nombreuses parties de la directive. C’est un socle commun. Certains articles et dispositions ont été maintenus et de nouvelles mesures ont été prises pour assurer toujours plus de pluralisme. Il est essentiel de cultiver la diversité culturelle en Europe. C’est pour cela qu’on veut assurer l’accès et la visibilité des programmes des médias d’intérêt public. Parce que la possibilité de mener un débat ouvert, équilibré et éclairé autour des questions importantes pour la société en dépend.
Quelle est votre position sur le numérique et l’élargissement du champ d’application de la directive ?
NF : Il y a quelques années, notre champ de réflexion s’est élargi avec l’émergence de nouvelles plateformes. Au moment du lancement du processus de révision en 2016, le choix tactique de la Commission européenne de se limiter aux plateformes de vidéo sharing était politique. Mais déjà à l’UER, on voulait des mesures réglementaires moins timides, qui prennent en compte d’autres plateformes et services pertinents. Au final, le champ d’action a évolué au cours des négociations. Dans le texte final, la définition des services de plateformes de partage de vidéos a été élargie pour mieux couvrir les services de médias sociaux qui donnent accès à des vidéos et les activités sous-jacentes. Les plateformes de partage de vidéos devront non seulement mettre en place des mesures visant à protéger les mineurs et lutter contre les propos incitant à la haine mais également respecter certaines règles de base en matière de publicité.
Il y a encore du pain sur la planche…
NF : Nous avions une législation révisée mais il s’agit maintenant de s’assurer d’une mise en œuvre efficace au niveau national. J’ai déjà mentionné l’exemple de la visibilité des contenus d’intérêt général mais il y a également le cas de la mise en œuvre du principe de l’intégrité des contenus. L’UER a notamment bataillé en faveur de l’introduction de nouvelles règles contraignantes dans la Directive SMA révisée destinées à protéger l’intégrité des programmes et services audiovisuels distribués et reçus sur des réseaux, des plates-formes et des dispositifs. Ce qui n’était pas du tout dans les vœux de la Commission dans les premières réflexions sur la révision.
En résumé, nous nous réjouissons au sein de l’UER des avancées de ces derniers mois, mais il y a encore beaucoup de travail à réaliser, notamment au sein de l’ERGA (NDLR : groupe européen des régulations de services de médias audiovisuels, dans lequel est impliqué activement le CSA belge). Et puis, il reste des points à discuter en dehors, comme l’application de la responsabilité des plateformes. Des questions vont suivre en plus de la directive. C’est un work in progress permanent !
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