La rencontre « Le sexisme sous couvert de l’humour ? »

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La rencontre organisée le jeudi 29 novembre par le CSA, en collaboration avec Expertalia, abordait la question du sexisme dans les médias audiovisuels sous l’angle de l’humour. L’humour comme contrepied aux discours sexistes ? Le rire pour déconstruire les stéréotypes de genre ?  Pendant deux heures, présentations et questions/réponses se sont succédées pour mieux comprendre la fragile frontière entre humour et insulte sexiste et cerner les outils qui permettraient de lutter contre les discriminations de genre. Une cinquantaine de professionnel.le.s de l’audiovisuel et d’académiques, intéressé.es par les questions de genre dans les médias ont répondu à l’invitation.

 

À l’origine de cet évènement, il y a évidemment le souci constant du CSA en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, que ce soit via la publication annuelle d’un Baromètre de l’égalité et de la diversité ou à travers l’application des articles 9 et 11 du Décret coordonné sur les services de média audiovisuel. Cependant, loin de s’enfermer dans son rôle de régulateur de l’audiovisuel belge francophone, le CSA souhaitait échanger sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les créations audiovisuelles avec des professionnel.le.s du secteur, artistes, réalisateur.trices, technicien.ne.s de l’image, étudiant.e.s et professeur.e.s. Aux commandes de cette rencontre-débat, Florence Hainaut, journaliste tout-terrain et sans langue de bois, fraîchement diplômée du nouveau Master interuniversitaire en études de genre.

 

La première partie était l’occasion d’échanger résultats de universitaires et expériences de terrain. Nelly Quemener, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne Nouvelle est d’emblée entrée dans le vif du sujet en dressant les contours des deux notions phares de la rencontre ; à savoir l’humour et le sexisme. Quelles sont les limites qui les caractérisent ? Et comment identifier l’humour et l’injure sexiste ? Tout est question d’habillage. Le discours humoristique se basant sur l’émetteur, le récepteur, la subjectivité de chacun et le contexte, il est à interpréter au cas par cas. Nelly Quemener a ensuite ouvert la boite à outils de l’humour, producteur d’imaginaires ou moyen de publicité. En guise de conclusions, la chercheuse a formulé quelques conseils à l’assemblée. Les écueils à éviter, comme par exemple ne pas contribuer à renforcer le binarisme ambiant en opposant systématiquement les hommes et les femmes dans la production de l’humour. Avant de terminer ses propos sur une citation de Stuart Hall : « Ne jamais oublier que les spectateur.trice.s ne sont pas « des idiots culturels ».

 

Caroline Taillet, auteure de la pièce « La Théorie du Y » et réalisatrice de la websérie du même nom a expliqué les raisons du succès de cette création. Ou comment une œuvre centrée sur la question du genre et plus particulièrement de la bisexualité a trouvé écho auprès de publics diversifiés. Abordé ce sujet était du jamais vu. L’auteure a pris volontairement le parti de montrer les stéréotypes et de les déconstruire au moyen du rire. Beaucoup de légèreté et d’humour sont injectés dans une histoire pleine d’humanité. Dans un premier temps le.la spectateur.trice rit et ensuite il.elle réfléchit en pensant à sa propre expérience. Dans ses conclusions, Caroline Taillet a rappelé la nécessité d’augmenter la place des femmes dans un milieu encore trop masculin et surtout de les valoriser pour leurs qualités et leurs spécificités, et pas juste parce qu’elles sont des femmes. La saison deux de la websérie « La Théorie du Y » est en cours de réalisation.

 

 

Dans la seconde partie de la rencontre, c’était au CSA de partager les résultats de recherches et d’instruction ayant trait aux questions de genres. Joëlle Desterbecq, Directrice des Etudes & recherches du CSA, a expliqué comment la publicité (dé)construit les stéréotypes de genre sur base des données issues du dernier Baromètre de la communication commerciale. Dans le récit publicitaire, les personnages se voient largement assigner une place, un rôle, en fonction de leur sexe. Ratio hommes – femmes : 52,58% – 47,42%. La parole est un domaine majoritairement réservé aux hommes : 60% des voix in et 60% des voix off sont masculines. Joëlle Desterbecq s’est ensuite attardée sur les publicités humoristiques ; leurs visées ludiques et d’autodérision, qui peuvent conforter la division genrée si le renversement des stéréotypes n’est pas clair. Joelle Desterbecq a clôturé son propos en rappelant la responsabilité sociale de la publicité. Les exemples qui parviennent à transgresser les représentations stéréotypées existent, mais ils sont encore peu nombreux.

 

Manon Letouche, Secrétaire d’instruction du CSA, a abordé le travail du Secrétariat d’instruction en lien avec le thème du jour en rappelant le cadre juridique applicable en matière d’égalité entre les hommes et les femmes auquel doivent se soumettre la RTBF et les éditeurs de services (articles 9 et 11 du Décret coordonné sur les services de média audiovisuel, modifié le 2 juin 2016). L’interdiction de porter « atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes » dans les programmes et les publicités est à la fois une nouvelle disposition juridique et une préoccupation très forte des publics. Une jurisprudence est en train de se construire, autour de deux notions clés : l’humour et la gravité. Manon Letouche a évoqué les décisions du CSA en la matière avec notamment la jurisprudence (publicité radio LIDL sur « les femmes délicieuses ») ainsi que l’application de ce cadre à d’autres cas « d’humour et de sexisme » et les différentes modalités d’action du SI (par exemple, la pub Zeno).

 

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