Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) publie son rapport annuel pour l’exercice 2017. L’année écoulée aura été intense pour le régulateur. Une série de projets d’envergure pour le secteur audiovisuel ont été initiés. Parmi eux, le projet de révision de la directive SMA, la révision du décret SMA, mais aussi, le nouveau contrat de gestion de la RTBF ou encore l’analyse de marché de la radiodiffusion télévisuelle, très attendue par le secteur des télécoms.
2017, c’est aussi une année record pour le CSA. Le régulateur a enregistré une augmentation de près de 150% du nombre de plaintes, soit 392. Jamais le CSA n’aura été autant sollicité par le public depuis sa création en octobre 1997. Cette augmentation traduit surtout une prise de conscience de plus en plus marquée des publics par rapport aux droits dont ils disposent dans leur paysage audiovisuel.
Entre la recherche d’une régulation cohérente entre tous les (nouveaux) acteurs et la nécessité de répondre aux nouveaux besoins des publics, le CSA clôture une année d’exception à bien des égards.
Equilibre
L’équilibre du paysage audiovisuel belge francophone n’aura sans doute jamais été autant questionné en 2017, que depuis ces dix dernières années. Fin des années 2000, les GAFAN étaient encore loin d’inquiéter les médias traditionnels. La régulation du secteur audiovisuel se voulait moins complexe. Si la révolution numérique était alors en cours, les marchés audiovisuels restaient peu ouverts et la consommation non-linéaire des médias était encore au stade expérimental. Aujourd’hui, nos acteurs locaux sont en transition. Auvio, RTL Play et le déploiement des médias sur les réseaux sociaux sont autant d’initiatives qui annoncent le passage en force de notre paysage vers une ère numérique nouvelle.
Quid de la régulation à l’intérieur de ce nouveau paysage ? Lors de ses 20 ans en octobre dernier, le CSA tirait la sonnette d’alarme. La régulation doit évoluer ou disparaitre. Le maître mot ; l’équilibre. Il est fondamental que tous les acteurs soient logés à la même enseigne et respectent les mêmes règles. Il est fondamental que la législation européenne et locale s’adapte aux nouveaux acteurs, à l’évolution du paysage et aux nouvelles consommations.
Le CSA s’est retrouvé au cœur de cette prise de conscience que l’année 2017 a cristallisé avec des projets majeurs pour le secteur. Il a d’abord fait entendre les réalités de la Fédération Wallonie-Bruxelles au sein de l’ERGA[1] dans le cadre du projet de révision de la directive européenne. Objectif, définir une législation cohérente qui permettra d’éviter à l’avenir que certains acteurs ciblent notre territoire sans respecter nos règles plus strictes auxquelles sont soumis les éditeurs locaux. Exemple parlant : celui de TF1. C’est aussi en 2017 que l’éditeur français s’est installé dans notre marché publicitaire en contournant nos règles. Cette actualité aura fait trembler le secteur audiovisuel privé et public et pointait les failles de l’actuelle directive européenne qui, jusqu’alors, autorisait ce type de contournement.
2017, c’est aussi l’année de transition du secteur radio. Le nouveau plan de fréquence en pleine préparation, le CSA a rassemblé le secteur à la demande du Gouvernement pour émettre un avis sur le projet de révision du décret. Le débat de fond des avis formulés par le secteur se portait sur la question du pluralisme des médias. Valeur fondamentale de la régulation puisqu’elle permettra au CSA de garantir l’existence d’une pluralité d’acteurs et de services lorsqu’il attribuera de nouvelles fréquences.
Si « l’équilibre » est le maître mot de l’année écoulée, la reprise en main des instructions contre RTL Belgium reste sans doute l’une des décisions majeures du régulateur dans sa volonté de rétablir une régulation cohérente pour tous les acteurs belges. Depuis 2009, RTL Belgium échappait à la compétence du CSA. Cette situation et les conséquences qu’elles génèrent sur le secteur audiovisuel en Fédération Wallonie Bruxelles ont été constatées par le CSA depuis plusieurs années avec, notamment, des infractions graves et récurrentes au regard tant du décret belge que de la directive européenne. Outre que cette pratique n’était pas conforme à la législation en vigueur, le transfert des plaintes vers l’homologue luxembourgeois du CSA (ALIA), ne reflétait pas la volonté du public. 100% des plaintes RTL étaient d’abord adressées au CSA avant que celui-ci les transmette à l’ALIA. Une situation incohérente qui compromettait tant la légitimité des règles adoptées par le législateur que la régulation et l’autorité de régulation elle-même : Cette situation était injustifiable sur le plan politique également car il apparaissait contraire aux valeurs démocratiques que le CSA n’exerce son contrôle que sur des éditeurs dont l’audience globale et les revenus du marché publicitaire ne dépassent pas 30% en Fédération Wallonie-Bruxelles. Sur le plan concurrentiel, la différence de régime régulatoire ne pouvait qu’inviter les acteurs soumis aux règles plus strictes à vouloir les contourner ou se délocaliser.
En 2017, les premières plaintes RTL ont été instruites. L’éditeur a été convoqué en mai 2018 par le CSA pour répondre à ces premières instructions et les décisions devraient être adoptées avant l’été.
Prise de conscience citoyenne
Jamais le CSA n’aura été autant sollicité par les plaignant.e.s. 392 plaintes ont été reçues et traitées par le Secrétariat d’instruction du CSA en 2017 contre 161 en 2016. Cette augmentation peut s’expliquer en raison d’une visibilité accrue du régulateur, par le phénomène des plaintes multiples – c’est-à-dire d’un grand nombre de plaintes portant sur un même programme ou une même publicité – mais surtout, par une volonté de plus en plus manifeste des consommateur.trice.s de médias de faire entendre leurs voix, notamment sur le plan de la dignité humaine et des discriminations.
Le pourcentage de plaintes relatives aux questions liées au respect de la dignité humaine, ainsi qu’à l’interdiction de l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination a atteint par ailleurs un record puisqu’il représente en 2017 36% de toutes les plaintes reçues.
Enfin, la nouvelle disposition décrétale relative au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes a généré des effets importants pour sa première année d’application en 2017 : 10% des plaintes reçues concernent en effet cet enjeu.
2018 ?
L’augmentation des plaintes se poursuit depuis le début de l’année 2018. De nombreux projets majeurs pour le régulateur et pour le secteur audiovisuel sont en passe d’aboutir. Pour ne citer qu’eux, la directive SMA, qui permettra de résoudre les situations comme celles que nous avons connus avec TF1, les premières décisions RTL Belgium du CSA, le contrat de gestion RTBF, mais aussi et surtout le futur plan de fréquences en FM et RNT prévu pour la fin de l’année. Si l’année 2017 est perçue par beaucoup comme une année de transition et de préparation, 2018 sera sans conteste une année clé qui verra aboutir bon nombre de projets majeurs pour le régulateur et pour le secteur audiovisuel.
[1] European Regulators Group for Audiovisual
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