Un décret modifié en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les médias audiovisuels de la Fédération Wallonie-Bruxelles

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Il y a un avant et un après 2 juin 2016 en matière de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur audiovisuel belge francophone.

Jusqu’en juin 2016, le décret coordonné sur les services de médias audiovisuels (aussi appelé « décret SMA ») abordait la question de l’égalité entre les femmes et les hommes par la seule interdiction d’inciter à la discrimination pour des raisons de sexe dans les programmes et dans les communications commerciales. Dans les faits, la portée de ces dispositions était assez restreinte car elles ne visent pas la discrimination en tant que telle mais bien l’incitation à discriminer, fait très rare. Il était impossible d’invoquer ces dispositions pour réagir, par exemple, à la perpétuation de stéréotypes sexistes dans les médias.

De son côté, le contrat de gestion de la RTBF contient certaines dispositions complémentaires en la matière, applicables au service public. Mais formulées de manière large et difficilement mobilisables pour répondre à des préoccupations concrètes au sein d’un programme ou d’une publicité.

Des changements positifs

Le décret du 2 juin 2016[1] a complété le décret SMA de dispositions complémentaires. Depuis lors, ni les programmes ni les communications commerciales ne peuvent porter atteinte « au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Ces nouvelles dispositions élargissent les possibilités d’intervention du régulateur en faveur de l’égalité entre les sexes dans les médias. Par contre, leur caractère très général nécessite un important travail d’interprétation pour leur mise en œuvre.

Le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est une nouvelle disposition qui se distingue de l’interdiction d’inciter à la discrimination sur la base du sexe (art. 11, 2° décret SMA). La notion d’ « égalité » couvre un spectre plus large que la notion de « discrimination » : un programme ou une communication commerciale pourrait ne pas comporter de discrimination fondée sur le sexe mais porter atteinte au principe d’égalité des sexes, par exemple en véhiculant des stéréotypes sexistes.

Une première décision du CSA

Depuis l’adoption du décret du 2 juin 2016, plusieurs plaintes ont été reçues par le Secrétariat d’instruction du CSA (SI). Plaintes qui soulevaient potentiellement question au regard du respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les publicités et dans les programmes.

Début mars 2017, le SI est saisi de 13 plaintes relatives à des spots publicitaires diffusés en radio et en télévision pour les produits de l’enseigne Lidl. Les plaignant.e.s estiment que ces spots publicitaires – adressés aux hommes – véhiculent des stéréotypes sexistes à l’égard des femmes. Sur un ton humoristique, la voix-off s’adresse directement aux auditeur.trice.s en affirmant que les femmes « délicieuses » (spot pour du cola), « appétissantes » (spot pour du ketchup) ou « propres sur elles » (spot pour de la lessive liquide) coûtent cher. Les publicités énumèrent les dépenses que ces femmes impliquent (ongles, coiffeur, voyages, etc.) et proposent de faire des économies en achetant des produits moins chers.

Le SI a décidé d’ouvrir une instruction à l’égard de la radio visée par les plaintes. Il a également adressé au Jury d’éthique publicitaire (JEP) l’ensemble des plaintes pour une décision sous l’angle du respect de l’éthique par l’annonceur.

Le 5 octobre 2017, le Collège d’autorisation et de contrôle, l’instance décisionnelle du CSA, a pris une décision dans ce dossier. Suivant l’analyse du SI, le Collège a estimé que la radio visée par les plaintes avait diffusé un spot de publicité portant atteinte au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il a sanctionné ce manquement par un avertissement.

Une jurisprudence en construction

Si la première décision du Collège a porté sur une publicité, d’autres dossiers traités abordent la question de l’égalité de genre au sein même des programmes audiovisuels. Ainsi, le 15 octobre 2017, le SI est saisi d’une plainte concernant l’émission « Chasseurs d’appart – le choc des champions », diffusée sur RTL TVI. L’émission consiste en une compétition d’agents immobiliers qui proposent des biens à des clients sur base de différents critères. La plaignante dénonce le sexisme véhiculé tout au long de l’émission. Elle pointe particulièrement l’attitude de l’animateur à l’encontre des femmes actives durant le programme, ainsi que les choix éditoriaux opérés par l’émission pour présenter les femmes.

À l’issue d’une première analyse, le SI a ouvert une instruction en se fondant sur une analyse du traitement des femmes présentes dans le programme. À l’estime du SI, l’accumulation des propos exprimés, ainsi que les choix visuels et sonores de l’émission posent question au regard de l’obligation de respecter l’égalité entre les femmes et les hommes dans les programmes. Sur cette base de l’analyse, le Collège d’autorisation et de contrôle a provisoirement retenu le grief d’un manquement au respect de l’égalité. Il entendra prochainement l’éditeur dans le cadre d’une audition publique et prendra une décision finale sur ce dossier après avoir entendu ses arguments.

La décision Lidl et les décisions à venir, en matière d’égalité des femmes et des hommes dans une publicité ou dans un programme, permettront de clarifier la notion en l’objectivant par des critères d’interprétation. La jurisprudence du Collège sera affinée et, partant, la sécurité juridique pour les éditeurs renforcée, au fil des nouvelles décisions à venir.

 

Pour plus d’informations sur les modifications décrétales et l’analyse des plaintes touchant à l’inégalité de genre reçues par le Secrétariat d’instruction, lire l’article complet dans le dossier Régulation, « Le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les médias audiovisuels en Fédération Wallonie-Bruxelles ».

[1] modifiant le décret coordonné du 26 mars 2009 sur les Services de Médias Audiovisuels en vue de renforcer l’attention sur l’égalité entre les femmes et les hommes (Moniteur Belge. 8 juillet 2016) (« décret du 2 juin 2016 »)

 


 

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