« Un débat de fond est nécessaire »

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Depuis 2013, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF ont mis en place le Fonds FWB-RTBF qui soutient le développement et la production de nouvelles séries belges francophones. Plusieurs de ces séries faisaient parties du corpus de l’étude « Place et représentation des femmes dans les séries TV ». Comment appréhende-t-on l’égalité femmes-hommes au sein de ce mécanisme de subvention ? Quelles sont les bonnes pratiques ? Entretien avec Emmanuel Roland, représentant belge francophone à Eurimages (le fonds culturel de soutien à la coproduction cinématographique du Conseil de l’Europe) depuis 1995 et Directeur du département production cinéma au Centre du Cinéma et de l’audiovisuel depuis 2006.

 

Existe-t-il des critères spécifiques relatifs à la diversité femmes-hommes dans la grille de sélection des séries de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Il n’existe pas de critères stricts concernant la représentation des femmes devant ou derrière la caméra pour les séries évaluées. Le Comité de Sélection est composé de membres représentant la RTBF et la Fédération Wallonie Bruxelles. Lorsque l’on combine ces membres avec l’équipe de production en place au sein de la RTBF, l’équilibre femmes-hommes est respecté.

Pour ma part, je ne suis pas en faveur d’une application de quotas stricts comme critères de sélection de projets. Ce système comporte une faille évidente. Imaginons, on pourrait se retrouver à la fin de l’année et une dernière session de sélection avec une obligation de projets féminins soutenus  à atteindre et donc choisir un projet non pas parce qu’il est de qualité mais uniquement pour satisfaire aux obligations de quotas.

Il vaut mieux se donner les moyens d’arriver à une égalité avec un horizon à court ou moyen terme et définir l’égalité comme une cible à atteindre comme c’est le cas à Eurimages d’ailleurs. Eurimages a adopté une stratégie pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’industrie cinématographique européenne et s’est fixé un objectif pour l’égalité 50/50 à l’horizon 2020, en ce qui concerne les films soutenus par le Fonds. Nous sommes pour le moment à 35% à des femmes devant ou derrière la caméra dans nos sélections.

 

Quels sont les mécanismes mis en place par  le fonds de soutien européen ?

À Eurimages, les choses sont claires depuis plusieurs années : la question de l’égalité femmes-hommes est présente partout : dans le fonctionnement interne au Conseil de l’Europe, dans la composition des jurys, dans les formulaires de candidature, dans les grilles d’évaluation… Bref partout. Les jurys ne peuvent dépasser une représentation maximale d’un des deux sexes, les soumissionnaires doivent « genrer » les postes artistiques et techniques. Ceci nous permet d’avoir des statistiques précises du secteur de la production audiovisuelle chaque année. Dans le même ordre d’idée, en cas d’ex aequo de projets bénéficiaires en fin de liste, le prix est attribué au projet du genre sous-représenté dans la liste.

Chaque projet passe par ailleurs par l’étape du test de Bechdel. Pas mal de pays nordiques appliquent notamment ce test. Le test vise à démontrer combien certaines œuvres peuvent être centrées sur le genre masculin des personnages. L’analyste du projet doit se poser trois questions : l’œuvre a-t-elle au moins deux femmes identifiables autres que des silhouettes (elles portent un nom) ; ces femmes parlent-elles ensemble avec des dialogues constructifs ; et parlent-elles d’autre chose que d’un personnage masculin ? Nous l’avons en réalité implanté dans les deux sens, pour éviter toute forme de discrimination. Le résultat est clair : le Bechdel test masculin est beaucoup plus souvent réussi que le féminin ! Le test n’est pas éliminatoire, mais constitue une donnée prise en compte dans l’analyse globale.

 

Pourquoi des tels dispositifs n’existent-ils pas encore chez nous ?

Certaines règles appliquées dans d’autres pays et à Eurimages pourraient être appliquées chez nous, sans toutefois qu’on s’impose la rigidité des quotas. On pourrait opter pour un mécanisme de cible ; faire des formulaires plus précis, des grilles d’évaluation intégrant la question de l’égalité femmes-hommes, imposer des tests de Bechdel au jury… Une telle refonte peut s’envisager. Mais cela ne règlerait pas le problème de fond.

En effet, comment se fait-il qu’il y ait si peu de femmes dans les postes clés de la chaine de production alors que la parité existe à la fin des études ? C’est sur cette question sociétale qu’il faut travailler. Une étude qui pointerait tous les problèmes devrait être faite. Les problématiques portent sur la possibilité d’accès aux ressources pour toutes et tous, quel que soit le sexe, l’origine, sur l’inégalité dans l’équilibre vie privée/vie professionnelle… Mais là, on touche à des normes. Un débat de fond est nécessaire entre pouvoirs publics, académique et secteur si on veut vraiment trouver des solutions durables. La Suède est un exemple à suivre. Ils vont arriver à une parité de fait parce qu’à un certain moment, le constat de la nécessité d’une telle étude a été entendu et relayé par le politique. C’est une réussite.

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Concernant l’étude « Place et représentation des femmes dans les fictions »

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Consultez l’étude et les résultats tunisiens

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