- Would You React est une chaîne YouTube belge qui vise à sensibiliser les citoyens à la solidarité via la diffusion d’expériences sociologiques en caméras cachées.
- Elle rassemble aujourd’hui une communauté active de 250.000 abonnés, et certaines vidéos ont été vues plus de deux millions de fois.
- Rencontre avec Jonathan, réalisateur, producteur, monteur, community manager, project leader… en bref, Youtubeur.
Les vidéos de WYR, entre images chocs et explications vulgarisées, traitent de la réaction du commun des mortels face à des situations très dures, telles que le viol, le suicide, le harcèlement, la pauvreté… D’où vient ce projet ?
D’abord d’un constat : celui de l’inaction des gens face à certains faits (vols, agressions, violences…) dont ils sont témoins dans l’espace public. Ensuite d’une conviction : la grande majorité de ces personnes a envie de réagir. Simplement, soit ils ne savent pas comment faire, soit ils sont trop embarqués dans leur routine quotidienne. L’espace public devient simplement un lieu pour aller d’un point A à un point B, dans lequel on n’interagit plus. Avec nos vidéos, j’essaie d’aller chercher ce qui est « enfoui », de réveiller les consciences. En soi, la chaîne répond à une mission d’intérêt général.
Quelles sont les retours du public ? Certaines vidéos sont assez trash, il y a-t-il parfois des réactions négatives ?
Au départ, les vidéos visaient simplement à informer notre réseau, nos amis. Nous avons posté dix vidéos et constaté un intérêt grandissant des internautes. Ce sont eux qui nous ont demandé de poursuivre l’expérience. J’interagis avec mon public au quotidien : j’ai 55 000 commentaires YouTube, je les ai tous lus. Seuls 1 ou 2% d’entre eux sont négatifs. C’est fondamental pour moi de m’imprégner. Et je mets un point d’honneur à répondre rapidement à tous les messages Facebook, Instagram et Snapchat.
C’est en fonction de ces réactions que tu peux t’adapter, proposer à ton public ce qu’il a envie de voir ?
En partie. Je fonctionne d’abord à l’instinct. Je m’inspire aussi beaucoup des statistiques de YouTube. Par exemple, je sais que notre public a entre 13 et 24 ans. Je sais aussi que la plupart ne vont pas jusqu’au bout des vidéos. J’ai donc modifié le format et j’intègre désormais les solutions et les interventions des experts – par exemple, des psychologues – plus tôt dans la vidéo, pour m’assurer que le message passe. La fréquence de diffusion est aussi fondamentale : plus je poste régulièrement, plus l’algorithme de YouTube me « récompense » en plaçant la chaîne dans les recommandations. Tout change très vite : il ne faut jamais rester dans sa zone de confort.
Tout ça doit représenter beaucoup d’investissement…
A titre personnel, au minimum 3 heures de travail par jour. Souvent plus. Heureusement, je travaille en équipe : avec mon bras droit, Yves Pascal, qui gère notamment tous les aspects plus administratifs. Avec cinq caméramans de talent aussi, avec lesquels les choses roulent super bien. Et nous avons un poll de traducteurs, ce qui nous permet de sous-titrer les vidéos en anglais, néerlandais, allemand, italien…et parfois arabe et russe ! Toutes ces personnes sont bénévoles.
Et d’un point de vue financier ?
J’ai également investi mes propres moyens, que j’ai partiellement récupérés via la publicité sur YouTube. Le sens du projet n’a jamais été la commercialisation des contenus, ou de tirer des bénéfices de la chaîne. On m’a déjà proposé de faire du placement de produit, mais je n’étais pas très partant : j’ai peur que mon public le prenne mal, ou de mixer la commercialisation avec le message et les valeurs de la chaîne. J’ai pourtant besoin de rentrer dans mes frais et je dois trouver des solutions pour financer le projet sur le long terme. Et pour ça, nous manquons clairement d’interlocuteurs.
Les Youtubeurs auraient besoin d’être accompagnés ?
Nous travaillons souvent seuls, par rapport aux circonstances, en suivant notre intuition. Les Youtubeurs, moi compris, avancent sur des voies qui n’ont encore jamais été empruntées. Un accompagnement serait nécessaire, une forme d’encadrement aussi. Les Youtubeurs qui sont plus dans le côté commercial arrivent peut-être plus à s’entourer d’une belle équipe, qui les aide à développer les aspects financiers. Je vois beaucoup d’évènements en France, où les youtubeurs se rencontrent, sont mis en réseau. Je n’ai pas l’impression que ce genre d’initiative soit mis en place – ou en tout cas suffisamment – en Belgique.
Une de tes vidéos phares, dont tu es particulièrement fier ?
Nous voulions créer un projet de soutien aux SDF, en passant par YouTube. Nous avons d’abord fait appel aux abonnés pour un crowfunding et récolté 1500 euros que nous avons distribués dans la rue, à 30 personnes. Avec les mots, ça ne passe pas, mais je savais exactement ce que je voulais produire comme vidéo et que cela fonctionnerait. Je connais l’importance des images pour donner l’envie de se mobiliser. Après la diffusion de la première vidéo, nous avons pu récolter 12.000 EUR auprès des internautes et nous allons travailler avec l’association Infirmiers de rue. 50 EUR, c’est une bouffée d’oxygène, mais maintenant, on va pouvoir travailler à essayer de sortir durablement des personnes de la rue.