Le travail au sein du service monitoring est particulier car nous devons agir rapidement sur les violations identifiées

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Entretien avec Noujeil Heni Responsable service monitoring  (HAICA)

Comment as-tu vécu cette opération de jumelage, en arrivant plus récemment à la HAICA ?  

N.H. : J’ai rejoint le service monitoring de la HAICA en avril 2019 alors que les activités étaient déjà entamées. C’est en novembre 2019 que nous avons traversé le pic de l’activité lors des élections électorales et législatives. Le travail au sein du service monitoring est particulier car nous devons agir rapidement sur les violations identifiées. Notre charge de travail a beaucoup augmenté avec le Jumelage, et il a été difficile de jongler. J’ai cependant pour ma part beaucoup apprécié les activités et les nouveaux outils développés ensemble. 

L’aspect primordial dans ce volet est d’ordre méthodologique (visionnage / contrôle du contenu audiovisuel). 

Quels sont les domaines de régulation sur lesquels vous avez particulièrement travaillé ?    

Nous avons notamment beaucoup travaillé avec Geneviève Thiry sur la présence de l’enfant dans les médias audiovisuels, à raison de 5 ou 6 ateliers dédiés entre octobre et septembre. Nous avons ainsi développé une nouvelle méthodologie de contrôle pour répondre à la question : les médias respectent-ils les obligations du cahier des charges qui leur incombent  ? Dans ce cadre, nous avons construit trois modèles de fiches de contrôle sur la signalétique, la publicité et la participation des enfants dans les médias. Il s’agit d’une méthodologie simple mais approfondie.  

Nous avons également conduit un travail important avec Joëlle Desterbecq et Benoit Renneson sur la communication commerciale. Nous considérons toutes les formes possibles, mais celles que l’on retrouve le plus dans les médias tunisiens sont le placement de produit et la pratique du partage d’écran. Le CSA travaille sur des recommandations permettant d’identifier et de traiter les différents types de communication commerciale. A la HAICA, nous avons une décision-cadre concernant les règles de la communication commerciale et nous tachons de construire une recommandation de référence pour les médias. Celle-ci donnerait un levier au Conseil afin d’obliger les médias à respecter leurs obligations. 

En pratique, nous regardons beaucoup les contenus médiatiques et nous veillons à relever toutes les infractions quand elles existent. S’ensuit alors un rapport répertoriant toutes les infractions à destination du Conseil qui doit prendre les décisions nécessaires. Avant de développer cette nouvelle méthodologie, nous travaillions sur chaque émission individuellement. Désormais, nous avons une méthode globale qui peut s’appliquer à toutes les chaines de manière à permettre aux les membres du Conseil de disposer d’une vision générale du monitoring des médias. 

Vous avez aussi travaillé sur les méthodes et les processus ?  

Nous avons aussi travaillé avec Minh Giang Do Thi sur le processus d’instruction. C’était une bonne nouvelle pour la HAICA car jusque-là, nous recevions des plaintes de la part de notre Service juridique, puis nous vérifiions l’infraction par visionnage du programme, pour ensuite en communiquer un rapport descriptif au Conseil. Ce que nous essayons de faire à présent c’est de construire un Comité spécial pour l’instruction des plaintes pour compléter notre fonctionnement actuel. Le service de monitoring est une grosse machine, nous sommes 31 moniteurs et monitrices, et moi-même, à visionner les chaines et programmes en continu pour détecter les infractions. Depuis deux ans, nous constatons cependant une augmentation du recours à la plainte. Le Comité spécial prend alors tout son sens car il centralisera la démarche de la procédure d’instruction et de qualification juridique de l’infraction, à savoir : rédiger le constat d’infraction, connaitre les règles juridiques applicables et rédiger l’avis du moniteur. De sorte que le chemin vers la prise de décision est simplifié et les membres du Conseil reçoivent une plainte fondée et clairement rédigée.  

Enfin, nous avons signé le premier Contrat d’objectifs et de moyens de la Télévision Tunisienne avec Watania 1 et 2. Nous avons travaillé sur le contrôle du respect de ce contrat avec Paul-Eric Mosseray qui a une grande expérience dans le domaine de régulation, et avec Senda Mechichi qui a également fourni un excellent travail. 

Votre travail est essentiel mais se fait souvent dans l’ombre. Comment pouvez-vous le mettre davantage au service du public ?   

Parallèlement, la HAICA a travaillé le marketing de son image afin de rendre visible auprès du public son travail et la procédure de plainte. Nous avons constaté une importante évolution dans notre relation avec le Service communication qui a besoin d’obtenir certaines informations auprès de notre service et qui nous aide en retour à communiquer sur le suivi des instructions et les décisions du Conseil. Dans le même temps, nous avons observé une dégradation de la qualité de certains contenus médiatiques (violences, appels à la haine, etc.) et une augmentation des plaintes, ce qui montre que les citoyen.ne.s s’emparent des outils et deviennent acteur.ice.s de la régulation. Cette tendance reflète par ailleurs une conscience exacerbée des enjeux portés par les médias audiovisuels sur leur vie. 

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