Sophie Pochet est Docteur en communication, professeur de publicité, Chief Academic Officer, en charge de la gestion de la section publicité à l’IHECS. Le 1er mars dernier, ses étudiant.e.s en publicité ont participé à une rencontre avec le CSA autour du sexisme dans la communication commerciale. Un dialogue avec la régulation qu’elle considère comme essentiel pour ses élèves. « J’estime avoir réussi leur formation si, au bout du compte, ils ne deviennent pas de bons petits soldats, mais des professionnel.le.s qui osent faire des recommandations éthiques sur le message ».
Changer la publicité suffira-t-il ?
Les enjeux sont importants quand on sait à quel point la publicité joue un rôle normatif dans la société. Les consommateurs ont beau avoir du recul par rapport au discours publicitaire, le caractère répétitif et omniprésent de la pub influence nos vies qu’on le veuille ou non. Donc oui, une publicité sans stéréotype est évidemment un idéal à atteindre mais attention à ne pas galvauder ces valeurs, de belles valeurs d’égalité en les utilisant uniquement de manière commerciale. Car la pub n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Si derrière le discours d’une marque, il n’y a pas des actions concrètes prises dans son fonctionnement interne, dans son mode de production, de ventes… Il va y avoir un retour de bâton de la part des consommateurs. Pour qu’une marque soit crédible il faut qu’elle pense égalité à 360° en externe mais aussi en interne.
Le rôle de l’agence de pub a aussi toute son importance. Une personne en agence de pub a intérêt à bien conseiller son client, la marque et lui rappeler aussi que les engagements vendus dans le message commercial doivent être perceptible au sein de la firme. Même si l’annonceur a toujours le dernier mot…
Que pensez-vous d’une charte comme celle qui vient d’être initiée par l’UBA ?
La parution de la charte « Unstereotype communication » de l’Union belge des annonceurs est une belle initiative. C’est une série d’engagements moraux. Mais pour que les choses changent, il faut deux choses : des balises claires et des outils pour mesurer les évolutions.
Il me paraît essentiel que le secteur publicitaire et les différents acteurs de cette charte fasse le bilan un an après afin de voir ce qui a effectivement changé, dans les messages publicitaires et dans les entreprises. Sinon, ce ne sera jamais qu’une liste de vœux sur un papier.
Vous formez les publicitaires de demain. Comment les armer pour ce métier ?
J’essaie de les responsabiliser. En agence, on se passe le bébé et au final personne ne semble porter la responsabilité du message. On essaye de leur faire rencontrer au maximum les organes compétents et les acteurs du secteur.
Mon objectif est qu’au terme de leur master, ils soient des conseillers et pas juste de bons soldats qui obtempèrent sans faire de recommandations éthiques sur le message. S’ils sont porteurs plusieurs valeurs dans leur vie quotidienne et privée mais qu’ils sont tenus de s’asseoir dessus dans leur profession, cette dernière manquerait cruellement de sens.
L’IHECS pratique une pédagogie très appliquée. C’est l’ADN même de l’école. Avant, il y avait des cours d’éthique très théoriques sans réelle approche de terrain. Cela a changé ces dernières années. Les jeunes rencontrent aussi bien l’écosystème publicitaire que des acteurs opposés à la publicité comme discours et ou comme activité économique, histoire de les « sortir de leur bulle ».
Par ailleurs, ils rencontrent les acteurs de la régulation et de l’autorégulation. Chaque année, par exemple, le jury d’éthique publicitaire vient à l’IHECS pour une matinée du JEP. A cette occasion, les étudiant.e.s rejugent toute une série de plaintes portées récemment. Cela nous permet de voir si les décisions du jury sont les mêmes celles de la nouvelle génération. Et l’on constate qu’en général les jeunes sont plus frileux, plus sévères vis à vis des publicités incriminées.
C’est pour mieux les immerger dans la régulation de l’audiovisuel que vous avez emmené vos étudiant.e.s au CSA. Que retenez-vous de cette rencontre ?
Ce qui m’a marqué dans les échanges, c’est la complexité pour les étudiant.e.s d’identifier ce qui relève et ce qui ne relève pas du stéréotype. Il y a des images insidieuses, on a tellement l’habitude de les voir, de les entendre qu’ils ont parfois du mal à les identifier. Qui plus est sur les nouveaux médias, là où sont les jeunes consommateur.trice.s. Bien souvent, les bloggueurs, youtubeurs et autres instagrammeurs véhiculent – ou constituent – eux-mêmes une série de stéréotypes.
Ce que je retiens des exposés, c’est la fonction d’accompagnement du CSA pour les régulés. On est loin de l’image de gendarme de l’audiovisuel que répercute souvent les médias. Avec cette jurisprudence naissante pour une égalité dans la communication commerciale, on est dans l’accompagnement et non dans la sanction. Ce qui prime pour le CSA c’est le respect de la liberté d’expression et cette volonté de dialogue. Également avec le milieu académique. J’espère donc que cette rencontre avec les étudiant.e.s en publicité est la première d’une longue série.
Je m’inscris à la newsletter regulation.be
Revenir au dossier : diversité dans les médias
Une pub sans stéréotype ? Sophie Pochet from CSA on Vimeo.