Tv Lux : L’accessibilité fait partie de notre projet éditorial

Photo P. Willems

La question de l’accessibilité représente désormais un enjeu prioritaire dans de nombreux domaines, y compris pour celui du secteur audiovisuel. En comparaison certains pays voisins, le CSA observe chaque année les retards et les difficultés éprouvées par les éditeurs pour mettre en place une véritable politique d’accessibilité des programmes. Mais si les retards en la matière sont certains, les initiatives entreprises par les éditeurs sont nombreuses. En période électorale, la question se pose plus encore car les programmes politiques doivent plus que jamais concerner « tout » le monde. La question se pose, mais l’enjeu est de taille. Avec quel personnel ? Quels moyens ? Et comment s’organiser pour que les programmes soient accessibles dans les temps ?

Pascal Belpaire est le directeur de TV Lux. En 2014, TV Lux était l’une des premières télévisions locales à mettre en place une politique d’accessibilité lors des élections régionales, fédérales et européennes. L’occasion de revenir sur cette expérience et de faire le point sur les autres obligations en période électorale.

 

Quelles sont les questions à se poser lorsque l’on met en place une politique d’accessibilité ?

 

Faire de l’accessibilité, ce n’est pas aussi simple que ça. Il faut une véritable organisation, des moyens humains, financiers, techniques. Il faut donc opérer certains choix en fonction des moyens dont on dispose. Ce n’est pas la même démarche de faire de l’audiodescription, de la traduction gestuelle, du sous-titrage, voire les trois à la fois.

Nous avons une expérience de 15 ans en traduction en langue des signes, avec une version interprétée de L’Hebdo, synthèse de l’actualité, chaque week-end. En 2014, nous avons voulu aller plus loin. Nous avons été la première télévision locale à proposer les débats préélectoraux en langue des signes. C’était gérable d’un point de vue organisationnel car nous étions occupés à traiter les élections régionales, fédérales et européennes avec seulement 4 débats de 40 minutes… Cela représente pour nous douze fois moins de débats politiques que pour les élections communales ! Cette fois, en 2018, nous aurons 44 communes à couvrir avec un débat pour chacune d’entre elles. Ajoutez à cela deux débats en plus pour les provinciales et le tout dans un délai de moins d’un mois.

Sans même parler des réalités financières, cela devient d’abord une véritable question de faisabilité technique. Comment faire pour assurer l’accessibilité de 46 débats de 40 minutes en moins d’un mois ?

 

Allez-vous rendre accessibles les programmes pour les 44 communes couvertes par TV Lux ?

 

Nous ne souhaitons pas favoriser telle ou telle commune, selon des critères de taille par exemple. Pour les élections communales, notre principe est de réserver le même traitement à toutes les communes, qu’elles comptent 2.000 habitants ou 20.000.  Il faut trouver un système cohérent et équitable pour l’ensemble de nos programmes. Au départ, nous avions notamment pensé faire, par commune et par débat, une synthèse en langue des signes, mais le travail reste trop lourd à accomplir en un délai aussi serré. Sans oublier le risque de subjectivité dans les choix que l’on pourrait faire dans les extraits à interpréter.

Notre réflexion actuelle est de voir s’il nous sera possible de sous-titrer l’ensemble des débats sur les 44 communes et la Province en 2018. Nous n’avons pas d’expérience dans le sous-titrage, mais nous allons examiner ce qui est faisable et avec quel niveau de qualité. Une telle réflexion est aussi envisageable pour l’ensemble des télévisions locales via notre Fédération. Sur ce plan, les 12 télévisions locales de Wallonie et de Bruxelles ont progressé spectaculairement ces derniers mois, puisque nous proposons désormais une version quotidienne de notre JT de Wallonie-Bruxelles « Vivre Ici » en langue des signes.

 

Qui paye l’accessibilité des programmes ?

 

C’est bien sûr une des questions principales, outre les aspects organisationnels. C’est la grande différence entre le souhait d’éditeurs qui voudraient rendre certains de leurs programmes accessibles et les réalités financières auxquelles ils sont confrontés. La question se pose aux éditeurs, mais aussi au monde politique qui ne peut pas simplement décréter qu’il faut une accessibilité renforcée sans accompagner les nouvelles obligations de moyens complémentaires pour les remplir. Pour assurer l’interprétation de nos programmes en langue des signes, TV Lux a la chance d’avoir une aide de la Province du Luxembourg et une contribution historique de la Wallonie comme nous sommes pionniers en la matière. Ces soutiens ne couvrent pas tous les coûts, mais ils sont très appréciables.

J’ajoute que pour nous, à TV Lux, l’accessibilité est un choix éditorial, et donc un effort que nous souhaitons assumer.

 

Quels ont été vos retours depuis que vous avez entamé une politique d’accessibilité ?

 

Nous n’avons pas mené d’enquêtes spécifiques sur le sujet pour évaluer la satisfaction de l’audience concernée. Je le répète, l’accessibilité est pour nous un choix éditorial qui a pour but d’inclure tous les publics, mais nous constatons que c’est aussi une façon de sensibiliser tous nos publics et en quelque sorte de banaliser le handicap. On voit souvent l’accessibilité comme une obligation, voire une contrainte, mais les médias ont aussi le devoir de sensibiliser à la diversité. Nous couvrons pas mal de zones rurales où vivent des personnes isolées. Quand on sensibilise à la diversité, c’est important de ne pas toucher que les grandes communes ou les grandes villes.

En termes de retombées concrètes, je peux vous dire que les associations qui travaillent sur cette thématique ont très rapidement diffusé l’information lorsque nous avons commencé à rendre accessibles certains de nos programmes. Nous apportons une réponse à une attente qu’elles exprimaient depuis longtemps, mais cela illustre aussi la rareté de telles initiatives. Quand on a célébré le 500e numéro de « L’Hebdo » en langue des signes en 2015, les sourds et malentendants ont été nombreux à participer à la fête.  Je remarque aussi qu’il y a de plus en plus de manifestations interprétées en langue des signes dans notre province. Je pense que nous y sommes pour quelque chose, il y a un effet « contagion » sur le terrain.

Quel serait votre message pour les autres médias qui se lancent dans l’accessibilité ?

J’insisterais sur ce double objectif, à la fois de service aux personnes, mais aussi de sensibilisation et d’intégration. Cela vaut la peine de se lancer dans l’aventure !

 


 

En bref : Les obligations en période électorale vues par TV Lux

 

  1. Quel sera le dispositif électoral de TV Lux ?

 

L’élément fort sera l’organisation des 46 débats dont 2 pour la Province à partir du 17 septembre. Nous avons déjà mené cet exercice en 2012. Auparavant, nous organisions 12 ou 13 débats. Nous étions limités dans nos ambitions car nous n’avions pas de studios adaptés et nous étions obligés de squatter les studios d’autres télés ou d’autres locaux, dans des centres culturels ou autres. En 2012, nous avons loué un bâtiment pendant six semaines pour y enregistrer les débats. En 2018, nous serons dans des conditions nettement plus favorables puisque, désormais, nous disposons d’un studio de 140 m2 qui conviendra parfaitement.

 

  1. Quelle place allez-vous donner aux petits partis dans les formats de vos débats ?

 

Je ne parlerais pas de petits partis, mais de nouvelles listes. Elles auront accès au débat, pour autant qu’elles atteignent le seuil d’accessibilité. En 2012, notre règlement prévoyait qu’il fallait un nombre de candidat.e.s équivalant au moins à la moitié du nombre de sièges à pourvoir dans la commune. Notre but est de favoriser le débat, car on sait qu’il n’est pas simple de monter des listes et de se faire connaître. Notre rôle est donc important pour faire un peu de lumière aux différentes listes.

Jusqu’ici, on est plutôt dans la recomposition entre listes.

A noter que les listes qui ne disposeront pas d’un nombre suffisant de candidats pour pouvoir participer aux débats seront mentionnées dans la présentation des enjeux du scrutin.

 

  1. Le nouveau règlement impose le principe d’équilibre entre les femmes et les hommes. Comment allez-vous vous y prendre ?

 

Nous serons dans une élection-test sur ce plan-là. Jusqu’à trois listes, et c’est le cas dans la majorité des communes luxembourgeoises, nous envisageons de convier deux candidat.e.s par liste. Ce pourra donc être une femme et un homme. A partir de 4 listes, pour des raisons pratiques mais aussi de temps de parole des différents participants, nous devrons limiter à 1 candidat.e par liste. Et dans ce cas, c’est la liste qui doit pouvoir désigner qui elle envoie.

 

  1. Comment allez-vous traiter la question du cordon sanitaire ?

 

Jusqu’ici, nous n’avons pas été confrontés à cette question. Les listes éventuellement concernées par des courants d’idées non démocratiques n’étaient pas dans les conditions du seuil minimal d’accès pour participer.

 

Nous nous réservons le droit de demander au représentant.e de toute liste ayant accès à l’antenne, de nous fournir copie des statuts de sa formation, de sa liste des dirigeant.e.s ainsi que de son programme politique détaillé. Le cas échéant, ils ne trouveront pas place dans le débat.

 

  1. Le CSA a élargi les obligations des éditeurs sur les réseaux sociaux. S’agit-il d’un nouveau défi pour vous ?

 

Là encore, nous serons dans une élection-test. Mais notre volonté est de respecter le même principe d’équilibre quel que soit le canal de diffusion. C’est la base de notre métier et de notre crédibilité. On doit pouvoir accomplir le même travail, de manière globale.


 

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