Bilan WebTV : « notre volonté est de nous positionner comme un secteur à part entière »

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Ce lundi 2 juillet, le CSA publie son bilan WebTV pour 2017. Parmi les nouveautés, la constitution d’une Fédération des WebTV qui est en voie d’aboutir. L’objectif est de développer des synergies dans les domaines éditorial et technique mais aussi de partager les pistes en matière de recherche de financement. Pour en parler, nous avons rencontré Veronica Rocha (V’RO TV) et Serge Mpatha (Air TV), qui travaillent avec le secteur à la constitution de la Fédération.

 

 

  • Pour vous, une WebTV, c’est quoi ?

 

Serge : je dirais qu’un des points communs à toutes les WebTV est avant tout notre vocation à vouloir faire avancer la société, c’est donc une vocation à la fois sociale et humaine. Les WebTV veulent donner la parole aux gens. C’est d’ailleurs un élément qui nous distingue, outre notre portail indépendant, du vlogueur : le vlogueur est le centre d’intérêt, alors que les WebTV mettent les personnes en avant.

Autre point important à souligner : les thématiques traitées et les personnes interviewées par les WebTV sont majoritairement en Fédération Wallonie-Bruxelles. Notre objectif est de faire grandir la FWB.

Veronica : on est tous partis du constat que certains éléments manquaient dans le paysage audiovisuel actuel. Les WebTV tentent de répondre à ce manque sur différents aspects en amenant plus de diversité et de pluralisme et en portant la voix des gens qui sont moins entendus dans les médias traditionnels.

Notre volonté est de nous positionner comme un média à part entière. Alors que les pure players, vlogueurs… sont dans une communication immédiate, nous voulons nous positionner sur le long terme et proposer un média avec notre propre portail de diffusion pour garder la main sur ce qu’on fait. Finalement, pour les WebTV, les autres plateformes (comme YouTube, Facebook…) restent secondaires, même si, bien sûr, c’est un moyen de distribution qui nous permet de toucher beaucoup de monde.

 

 

  • Quelles sont les initiatives parmi les différentes WebTV que vous souhaiteriez mettre en avant ?

 

Serge : en tant qu’administrateurs de la Fédération, on se place comme les portes paroles des WebTV. Je pense donc qu’il est difficile de répondre à cette question-là. En revanche, le portail de la Fédération (fedeweb.be) permettra aux personnes de choisir elles-mêmes, d’après leurs besoins et leur sensibilité, la WebTV qui leur convient.

Veronica : si je devais n’en citer que deux, je parlerais de Zin TV pour son travail d’éducation permanente formidable avec les ONG et Bel’Afrika qui fait un travail communautaire important.

 

 

  • Aujourd’hui, le média télé est accessible à tous via un smartphone. Est-ce que l’initiative de créer une WebTV est un moyen d’expression comparable au boom des radios indépendantes qu’on a connu dans les années 80-90 ? Est-ce que la WebTV permet une démocratisation similaire du média télé ?

 

Serge : Bien sûr ! Je pense que l’évolution des technologies offre un espace de liberté inédit à tout un chacun. Et ça évoluera encore dans les prochaines années.

Veronica : on est dans une ère où on essaie de créer une interaction, un dialogue avec les internautes, ce qui était le moins le cas avant où les radios comme les télés étaient des médias plutôt unilatéraux. Avec les WebTV, on a cette facilité d’aller plus vite vers les gens chercher cette interaction que les médias dits « traditionnels ».

V’RO TV, par exemple, est un projet participatif au départ : les gens ont participé au projet, donné leur avis, participé à une campagne de crowdfunding pour financer les premières émissions. La différence par rapport au boom des radios indépendantes est là, même si ça reste un élan comparable. C’est un autre point de vue qui naît et qui accompagne le virage que prend la société, au même titre que ces médias à ce moment-là.

 

 

  • Quels sont les projets derrière la constitution de cette Fédération ? Et comment la mettre en place ?

 

Serge : la Fédération nous permettra de décider comment mutualiser nos forces et comment obtenir du service public un soutien dans les missions de coordination, d’information, de défense juridique, de protection du secteur, de veille stratégique et de représentativité qu’on remplit.

Veronica : on a commencé tout d’abord par faire une charte. C’était important de voir qu’on regardait tous dans la même direction et qu’on avait envie de construire des choses similaires.

On s’est mis d’accord sur plusieurs choses : d’une part, notre volonté commune de continuer à renforcer le service public, et puis, bien sûr, la recherche d’une reconnaissance institutionnelle, publique, morale, tout en gardant notre autonomie.

Le soutien moral est important pour bénéficier des mutualisations des connaissances et du matériel, créer des synergies et être considéré comme une source d’information par rapport au développement du numérique actuel. Avec les télés et radios, les WebTV peuvent être considérées comme le troisième média.

Quant aux soutiens financiers et structurels, ils sont importants parce que beaucoup de gens sont impliqués et font vivre les WebTV. Les WebTV créent de l’emploi : il y a 42  équivalents temps plein, mais également des bénévoles, des stagiaires, des indépendants et des sous-traitants. Pour pouvoir voir à long terme et avoir une offre technique vraiment stable, il va nous falloir des moyens.

Serge : la deuxième étape est d’aller voir les « décideurs » et leur dire qu’on existe et ce qu’on fait. L’univers des WebTV est assez nébuleux, surtout pour les politiques. On doit aller vers eux et les informer.

 

 

  • Qui pourra faire partie de cette Fédération ?

 

Veronica : il est important, pour moi, d’accueillir toutes les WebTV parce que nous avons une mission d’information envers chaque WebTV. Maintenant, pour faire partie de la Fédération, il faudra que la WebTV partage cette mission d’information, de citoyenneté, de valorisation de la FWB propre à la Fédération. On va sûrement avoir plusieurs niveaux de collaboration.

Serge : la Fédération n’a pas que vocation à être entre WebTV. L’idée est aussi d’informer le public et de recevoir des informations de ce dernier.

 

 

  • Est-ce que vous envisagez de collaborer avec les médias traditionnels ?

 

Serge : Bien sûr. Air TV produit des émissions qui mettent en avant des artistes de la FWB et en envoyant ses émissions à la RTBF en télévision. On a également travaillé avec Le Soir.be.

L’idée aussi derrière la constitution de cette Fédération est de relayer des sujets entre WebTV et travailler ensemble. Par exemple, il pourrait y avoir des interactions entre ma WebTV (Air TV) et celle de Bel’Afrika parce que c’est un artiste africain de la FWB.

Veronica : si ma collaboration avec les médias me permet de toucher plus de gens, d’élargir mon spectre alors bien sûr, je serai heureuse de collaborer. J’ai pu constater que les médias avec qui j’ai eu envie de collaborer étaient totalement ouverts, parce qu’ils ne considèrent pas que la WebTV leur fait de la concurrence, et inversément, je ne considère pas les médias télé ou radio comme des concurrents. Bien au contraire. Ils ont eux aussi cette volonté d’avoir des médias locaux comme on peut le voir avec Vivacité Liège, Namur… finalement, cette collaboration est profitable pour eux car c’est du contenu qu’on leur apporte.

Toutes les WebTV ne cherchent cependant pas forcément à apporter du contenu aux autres médias.

 

 

  • Comment imaginez-vous la Fédération dans 5 ans ?

 

Serge : on se voit grandir ! On a des ambitions d’être plus grand, de parler de plus de sujets, de toucher plus de personnes. La Fédération veut vraiment devenir l’interface en ce qui concerne les portails internet et le web en FWB.

Veronica : je pense, du moins j’espère que dans cinq ans, on n’aura plus de discussion pour savoir si les WebTV ont leur place dans le paysage médiatique. Que ça soit reconnu institutionnellement, financé ou pas, c’est un mouvement qui existe avec une audience et une communauté qui existe.

On sera peut-être dans une dynamique où on créera plus de choses ensemble et où on ne sera plus en train de se battre pour gagner en légitimité par rapport au paysage audiovisuel.

Je me vois continuer à faire ce que j’aime, à m’intéresser aux gens et aux parcours de vie, que ce soit avec V’RO TV ou bien avec une autre interface, parce que le paysage évoluera probablement d’ici cinq ou dix ans, et nous avec. Il faut rester à l’écoute de ce qui se passe et ne pas avoir peur du changement.

Serge : Quand j’entends les politiques dire « le média demain », je pense qu’ils n’ont pas compris que c’était hier le média de demain. Il faut faire table rase tous les six mois et se remettre en question, car le digital change tout le temps. C’est aussi une des forces des WebTV !

 

 

Découvrez le bilan WebTV 2017 

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