« Il y a une réflexion à mener sur ce qu’on doit et ce qu’on peut demander à la communication commerciale »

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Aujourd’hui directrice du Conseil de la Publicité, Sandrine Sepul a un parcours confirmé dans le secteur de la publicité et de l’audiovisuel : elle a notamment travaillé pour le Ministre-président de la Communauté française, pour la Société de gestion collective des droits d’auteur sans but lucratif (SOFAM) et comme Membre du Collège d’Avis du CSA puis du Collège de Contrôle et d’Autorisation. Dans cet entretien, elle explique le fonctionnement du Conseil de la Publicité et du Jury d’Ethique Publicitaire au regard de la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes.

En quoi le Conseil de la Publicité envisage la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses actions, réflexions, valeurs ?

Le Conseil de la Publicité attache beaucoup d’importance à cette thématique. Nous disposons de plusieurs outils permettant de l’appréhender.

Par exemple, nous avons un texte qui s’intitule « Règles en matière de représentation de la personne » dans lequel figure un article consacré aux stéréotypes. Cet article dispose notamment que la publicité doit éviter de perpétuer des stéréotypes dans la communication commerciale qui pourrait aller à l’encontre des évolutions de la société. C’est un code très important parce qu’il est appliqué assez régulièrement par notre organe d’autorégulation qui est le Jury d’Ethique Publicitaire (JEP). Par ailleurs, un des membres du JEP a été désigné par l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH).

Nous avons aussi une charte en matière de représentation de la personne dans laquelle il est fait référence aux stéréotypes et où il est demandé au secteur de représenter les hommes et les femmes d’une façon « digne, respectueuse et équilibrée » et de les représenter dans différents rôles qui expriment leurs diverses contributions dans la société.

Enfin, nous disposons d’un code plus général qui est le code de la chambre de commerce international (le code ICC). Ce code reprend des dispositions générales en matière de discrimination, notamment la discrimination sur la base du sexe.

 

Quel est le rôle du Jury d’Ethique Publicitaire (JEP), l’organe d’autodiscipline du secteur de la publicité ?

Le JEP reçoit les plaintes des citoyens qui se sentent choqués, heurtés, trompés par la publicité. Il est amené à rendre des décisions qui peuvent aller de « pas de souci, il n’y a pas d’infraction » à demander à l’annonceur d’arrêter sa campagne ou de la modifier. Lorsqu’on parle de la question du stéréotype, c’est cependant souvent une demande d’arrêt de la campagne parce que c’est le concept même et l’idée derrière cette campagne qui posent problème.

 

Comment expliquer le décalage entre notre société et les représentations dans la publicité ?

Je pense qu’il n’y a pas vraiment de décalage entre les pubs et la société.  Beaucoup de stéréotypes sont encore présents au sein de notre société. C’est un phénomène qui dépasse largement la communication publicitaire et pour lequel il y a un effort constant à maintenir dans tous les domaines de la société.

 

Est-ce que l’annonceur tente parfois d’utiliser l’humour et les stéréotypes à des fins de provocation, comme stratégie commerciale ?

J’ai le sentiment que bien souvent l’annonceur n’est pas conscient de son erreur ou que sa faute est involontaire. Le but d’un annonceur, du moins les « grands » annonceurs, pas certains qui veulent parfois à tout prix faire le buzz pour faire parler d’eux, sont très soucieux de leur image de marque et leur objectif n’est du coup pas de heurter leurs consommateurs potentiels et avérés. Je pense que le but est généralement de faire une publicité bienveillante et dans les règles. Mais il y a encore un travail de sensibilisation et de pédagogie à faire par rapport à ces questions-là.

Il y a aussi une réponse qu’on reçoit souvent de la part des annonceurs qui est : « je voulais faire de l’humour ». Cette question de l’humour est délicate car j’estime que c’est important qu’on puisse encore rire en voyant une pub. L’humour doit donc aussi faire partie de la publicité. Cependant, le JEP utilise également un code consacré à l’utilisation de l’humour, qui énonce clairement que l’humour ne supprime pas la responsabilité de l’auteur de la publicité. On ne peut pas tout faire au nom de l’humour mais il faut trouver un juste équilibre entre les deux.

 

Est-il possible d’insérer la diversité comme stratégie commerciale ?

Oui, certainement ! D’ailleurs un exemple célèbre, c’est Dove, qui, dans sa communication, avait repris des femmes aux mensurations différentes, aux couleurs de peaux différentes et qui insistait justement sur cette diversité de la femme. Cette pub avait d’ailleurs été très bien accueillie par le public. Je pense donc que la diversité peut tout à fait faire partie d’une stratégie commerciale. Et j’ai envie de dire tant mieux ! Car c’est toujours mieux vécu par les annonceurs quand la diversité fait partie d’une stratégie que quand c’est vécu comme une obligation.

 

Qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour que les résultats montrent plus de diversité dans la communication commerciale ?

Ce qu’on va refaire prochainement, c’est une communication pour sensibiliser le secteur à demander plus d’avis préalables avant la diffusion des campagnes. C’est une procédure qui existe au JEP, qui n’est pas obligatoire et qui se fait sur une base volontaire. On estime qu’elle pourrait être plus souvent utilisée, en tous cas certainement pour des thématiques comme celles de la diversité et de l’égalité entre les femmes et les hommes. On va également s’accrocher à l’actualité des mouvements comme #Balancetonporc et #Metoo.

De manière plus générale, il y a une réflexion à mener sur ce qu’on doit demander et ce qu’on peut demander à la communication commerciale. Doit-elle faire preuve de pédagogie ? Selon moi, le rôle de la publicité est avant tout d’informer les consommateurs de l’existence de produits et services mis à leur disposition sur le marché. Elle a une vocation promotionnelle et de séduction et doit faire ça dans un contexte de respect du consommateur, pour éviter de le tromper car elle a une responsabilité sociale. Ce sont ses vocations et responsabilités premières.

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