La place des femmes dans l’audiovisuel : ce chantier en construction

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Cette journée internationale de lutte pour le droit des femmes est l’occasion de rappeler les inégalités qui subsistent encore entre les femmes et les hommes. L’année 2017 aura placé le combat contre le harcèlement et le viol en avant-plan de la scène médiatique, déferlante de hashtags et de témoignages à l’appui.

Prenons-nous parfois le temps de nous interroger sur le rôle des médias dans l’évolution de l’image et des représentations des femmes ? Interrogeons-nous assez l’image des femmes dans les publicités que nous consommons au quotidien ? Pour répondre à ces questions, il faut sans doute se pencher sur une caractéristique essentielle des médias. L’impact qu’une information peut produire sur les publics. Un média se veut le reflet des opinions citoyennes, mais il contribue aussi à les façonner. Le contenu et la forme d’un texte, un billet radio ou une capsule vidéo impactera la communauté des lecteur.trice.s. L’implication des médias sur le terrain de l’égalité entre les femmes et les hommes est donc fondamentale, voire capitale. Si les médias et les publicités entretiennent certaines formes de sexisme ordinaire, voire assumé, et n’offrent pas aux femmes une place égale à celle des hommes, ils encouragent aussi leurs publics à entretenir les mêmes stéréotypes.

De nouvelles règles

Les choses bougent pourtant dans l’audiovisuel. Depuis juillet 2016, une nouvelle disposition rend obligatoire le principe de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes non seulement pour les médias, mais aussi pour la communication commerciale. Une première en Belgique qui entend renforcer l’attention sur le problème récurrent de sexisme à l’échelle du secteur audiovisuel. Marie Coomans, juriste au CSA, perçoit cette disposition comme une opportunité réelle pour imposer le changement. C’est vrai que, dans un premier temps, les nouvelles dispositions risquent de ne pas améliorer notre image de gendarme de l’audiovisuel. Mais on invoquait aussi cette même liberté d’expression en faveur de propos racistes qui étaient tenus sur nos antennes il n’y a pas si longtemps de cela. Dans quelques années, un refus de tolérer à l’antenne des propos sexistes, au même titre qu’on a refusé il y a quelques décennies de continuer à tolérer un certain racisme ordinaire, pourrait mener à un véritable changement de mentalités.

Le CSA a appliqué pour la première fois cette disposition dans sa décision relative à une campagne publicitaire de la marque Lidl et instruit actuellement un nouveau dossier relatif au programme Chasseurs d’apparts. Ces instructions et décisions sont aussi le témoin d’une réalité inconsciente ou assumée à l’intérieur de notre paysage audiovisuel puisque, sur le ton de l’humour, la campagne Lidl se fondait essentiellement sur des stéréotypes sexistes. Les plaintes adressées au CSA par les publics sur les matières de sexisme expriment ce refus de plus en plus clair d’être exposé à des contenus sexistes. Le secteur de la pub est particulièrement pointé. Un signe qu’entendront sans doute les annonceurs qui se doivent de répondre aux attentes des consommateur.trice.s, se rassure Madeleine Cantaert, Conseillère en communication commerciale au CSA. Simultanément reflet et moteur de la société, la publicité a un potentiel de positionnement voire d’action dans cette évolution sociétale essentielle vers davantage de respect de l’égalité hommes-femmes.

Mieux cerner le problème

Pour mesurer cette prise de conscience des questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans nos médias, la recherche et la mise en valeur des bonnes pratiques peuvent s’avérer efficace pour soutenir le secteur. Tous les angles sont permis au point que certains voient dans cette question d’égalité et plus largement de diversité, une véritable opportunité économique. La Chaîne VICE récemment débarquée en Belgique propose des documentaires ancrés dans les communautés et résolument sensibles aux questions de diversité. Certaines chaînes étrangères, comme Channel 4, ont intégré la diversité dans leur business model. Chez nous, la RTBF a produit et diffusé sa première websérie entièrement axée sur les questions de genre et de bisexualité. Si le CSA pointait une série de constats lors de la publication de son étude « Femmes et fictions », il soulignait aussi les évolutions auprès de l’éditeur public avec des projets de série comme Jezabel qui place la RTBF dans un processus d’intégration de perspectives alternatives, plus enclines à déconstruire les stéréotypes[1].

La recherche doit aussi soutenir cette évolution des mentalités. Mieux comprendre les mécanismes des stéréotypes, à quel endroit et pourquoi ils posent problème est une base pour mieux construire les outils du changement. Dans ses monitorings, le CSA se penche de manière transversale sur les questions de genre. Un baromètre est publié régulièrement et offre une grille d’analyse complète de la représentation de la diversité dans nos médias. En 2018, le baromètre portera aussi sur la communication commerciale. De quoi apporter plus de précision sur la question de l’image des femmes dans la publicité. Les résultats sont attendus pour fin avril et promettent un lot d’informations utiles pour le secteur et le grand public. Par la voix de son Président Karim Ibourki, le CSA espère rebondir sur cette étude pour sensibiliser le secteur publicitaire à cette thématique. La publicité peut jouer un rôle majeur dans la lutte contre les stéréotypes, notamment sexistes. Nous envisageons ce secteur avant tout comme étant partenaire d’un projet vital pour notre société, celui de l’égalité entre celles et ceux qui la composent. »

Rendez-vous en avril !

[1] CSA, Dossier Place et représentation des femmes dans les fictions, p.29, CSA , décembre 2017.

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